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2 articles taggés récit semi-autobiographique

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FICHE LECTURE : Galant de nuit

FICHE LECTURE : Galant de nuit

« Il me faut connaître les ténèbres pour trouver la lumière. »

• TITRE V.O. : Jasmin Nights.
• PRÉCÉDENT TITRE FRANÇAIS : L'Année du Caméléon.
• AUTEUR : S.P. Somtow.
• ANNÉE : 1995 (THAÏLANDE) ; 2007, 2018 (FRANCE).
• GENRE (S) : Récit semi-autobiographique.
• THÈMES : Années 60, occidentalisation, mysticisme, richesse, hiérarchie, culture, spiritisme, religion, famille, amitié, expériences, faire ses propres choix, tolérance, racisme, différence, acceptation de soi, grandir, individualité, avoir sa propre façon de penser, réflexion, maturité, liberté, exotisme, érotisme, sentiments amoureux, désirs, théâtre, sensualité, enfance, entrée en adolescence, entraide, ingéniosité, intelligence, traditions, us et coutumes, solitude, absurde, humour, onirisme, exaltation des sens, roman d'apprentissage...
• PAGES : 410.

Bangkok, 1963.

Dans le milieu de l'aristocratie thaïlandaise, Justin, douze ans, surnommé par les siens « Vénérable Petite Grenouille » ou « Khoun Nou », vit coupé du monde. Élevé par Nit-nit, Noï-noï et Ning-nong, ses trois jeunes tantes, cet enfant précoce, pétri de culture classique et doté d'une imagination fertile, se construit à travers son propre univers.

La mort de son caméléon, dont l'esprit jouera le rôle de génie tutélaire, et la rencontre avec son arrière-grand-mère, avec qui il entretiendra une relation privilégiée, agiront sur lui comme un déclic : pris entre deux cultures, plus tout à fait enfant, mais pas encore adulte, Justin devra se réconcilier avec son identité siamoise et se confronter au monde réel.

Si ce roman met en exergue l'amitié entre jeunes gens qui transcende préjugés, racisme et différences sociales, il évoque aussi, souvent avec humour, tout ce que l'on perd en atteignant l'âge adulte. En outre, on y découvre le Bangkok séculaire, presque rural avec ses innombrables khlongs encombrés de barques et ses moiteurs nocturnes saturées du parfum des jasmins de nuit, qui adopte une modernité d'inspiration occidentale avec enthousiasme.

L'AUTEUR : Compositeur et chef d'orchestre thaïlandais de renommée internationale, S. P. Somtow est né à Bangkok en 1952. C'est également un écrivain très prolifique (science-fiction, horreur) récompensé par plusieurs prix littéraires.

Galant de nuit, roman d'apprentissage semi-autobiographique teinté de réalisme magique et d'érotisme, est l'½uvre-phare de sa production siamoise.
FICHE LECTURE : Galant de nuit
ஜ MON AVIS :

Pour commencer, je tiens à remercier du fond du c½ur les éditions Gope pour cet envoi, et merci aussi pour leur patience. Je fais toujours au mieux pour publier mes chroniques dans les temps, mais des fois... c'est un peu compliqué. En tout cas, merci à eux de s'être montrés aussi compréhensifs. Je vous encourage vivement à découvrir leurs parutions, qui sortent des sentiers battus et vous invitent à voyager dans l'Asie du sud-ouest de façon passionnante et... très particulière. En effet, les deux premiers services presse que j'avais reçus d'eux, Fille de sang et Bâton de réglisse, étaient profondément sombres et perturbants. Ils avaient marqué de façon indélébile la lectrice très innocente et sensible que je suis (ils continuent de hanter mes pensées d'ailleurs), et il faut avoir le c½ur bien accroché en les lisant, je vous le garantis. Avec Galant de nuit, mon expérience de lecture a été relativement différente. En effet, si ce titre-ci a lui aussi sa part d'ombre, il est cependant beaucoup plus lumineux que les livres évoqués précédemment. Il m'a apporté une belle bouffée d'air frais en comparaison des précédents romans que j'avais pu lire chez Gope éditions, qui étaient extrêmement intéressants et percutants mais également étouffants. Cependant, je retiens également de Galant de nuit un sentiment de moiteur, d'humidité asphyxiante, et pas seulement parce que j'ai lu ce livre culte au beau milieu de la période de forte canicule que nous avons traversée cet été. L'atmosphère dans laquelle le héros de l'histoire évolue est effectivement propice à la sueur, une sueur qui va se révéler pour notre héros/narrateur... somme toute libératrice. Je vais vous expliquer cela plus en détails dans quelques instants.

L'histoire de ce récit semi-autobiographique se passe à l'orée des années soixante en Thaïlande et l'on va suivre Justin, un jeune garçon anglo-thaïlandais âgé de douze ans qui depuis trois ans maintenant vit dans une superbe résidence avec sa famille très aisée, ses parents étant partis pour affaires à l'étranger. Ayant passé les premières années de sa vie en Angleterre, loin de cette nombreuse tribu siamoise qui est pourtant la sienne, on se rend compte qu'au bout de trois années à vivre parmi eux, Justin se sent encore exclu d'une certaine manière et a du mal à apprendre à véritablement les connaître. C'est in fine grâce à sa formidable arrière-grand-mère, dont le jeune garçon a été éloigné sans comprendre pourquoi pendant si longtemps, que Justin entamera la vie d'un enfant "normal", épanoui et embrassera enfin cette culture thaïlandaise qui sommeillait jusque là en lui, sans pour autant en renier sa passion invétérée pour la lecture et nous partageant au fil de l'intrigue ses immenses connaissances liées à ses innombrables lectures gréco-romaines et à son propre temps.

C'est justement ça que j'ai le plus aimé dans ce récit semi-autobiographique que nous livre S.P. Somtow : l'enrichissement qu'il nous procure. En effet, le lecteur reçoit beaucoup d'informations sur énormément de choses par des moyens divers et variés. Par exemple, j'ai beaucoup aimé les nombreuses et judicieuses notes de bas de page du traducteur. Je sais que cela agace beaucoup de lecteurs lorsque ces derniers doivent s'en référer à la fin de la page pour mieux comprendre le récit. Pour ma part, j'ai du mal à m'y faire lorsque je dois sans cesse me rendre à la fin des livres parce que les notes du traducteur et de l'auteur foisonnent de partout et sont donc impossibles à toutes reléguer en fin de chaque page. Dans les deux cas, cela coupe d'une certaine manière la fluidité de votre lecture, la dynamique de celle-ci. Loin de trouver cela embêtant avec Galant de nuit, j'ai au contraire trouvé que c'était fort ingénieux et que cela apportait un véritable plus au récit, les notes de bas de page se référant essentiellement aux noms thaïlandais des titres honorifiques au sein d'une famille et de la société, à la nourriture traditionnelle et aux rites religieux. Les traductions et les définitions claires et concises nous permettent ainsi d'ouvrir une fenêtre sur une culture totalement différente de la nôtre, sans pour autant qu'on en soit entièrement séparée. Le Bangkok que nous dépeint S.P. Somtow est en effet empreint d'occidentalisme : Justin est friand de péplums tout droit sortis d'Hollywood et a bien sûr baigné comme chaque enfant qui se respecte dans la culture Disney (la référence à Fantasia est tellement bien faite, pensée par un écrivain également chef d'orchestre en plus, j'ai juste adoré !) et à l'école, où il commencera à se rendre durant la seconde partie du roman, il côtoie beaucoup de caucasiens européens. Galant de nuit est une lecture qui nous apprend à la fois énormément sur les us et coutumes de la Thaïlande, qui nous fait sentir les odeurs de sa nature et de ses délices culinaires et qui nous donne à voir sa nature verdoyante et abondante, mais on reçoit également beaucoup d'informations sur les années soixante, époque où se passe le récit et où l'Amérique devient LA superpuissance incontestable qui impose son rêve et son soft power de Coca Cola, de baseball, de rock, de soul, de danses lascives, de beaux quartiers résidentiels et de belles piscines... La capitale de Bangkok, c'est à la fois ça : une modernisation et une urbanisation occidentales qui avancent à grandes enjambées, tout en cohabitant avec une campagne, une nature splendide et envoûtante qui n'existe nulle part ailleurs. J'ai adoré ce pluralisme identitaire de la Thaïlande, ce mélange de différentes cultures et de différentes couleurs, tout en conservant une certaine singularité et authenticité. Ce pays est à l'image de notre héros, qui a grandi en se nourrissant de culture antique européenne tout en restant fondamentalement lui-même : originaire de l'ancien Royaume du Siam. La Thaïlande est à Justin ce que les racines sont aux fleurs et inversement. Les deux sont inextricablement liés, on ne peut en effet pas renier d'où l'on vient, mais on peut se construire de toutes sortes de façons, en se nourrissant de tout ce que la vie nous donne et de ce que l'on en retient. C'est l'une des bien belles leçons que ce roman m'a apprises.

Comme je vous le disais précédemment, notre adorable héros est un grand amateur de péplums et il faut dire qu'à l'époque, ces derniers étaient légion : Ben-Hur, Quo Vadis, Les Dix Commandements, Cléopâtre ne sont que les ½uvres cinématographiques les plus légendaires d'un genre qui vivait alors un véritable âge d'or. Je vous invite à aller consulter la liste Wikipédia des péplums, c'est tout bonnement ahurissant. Mais le film doudou de Justin, celui qui l'inspire dans son quotidien, celui qu'il mange et qu'il respire tant il le connaît par c½ur, c'est Spartacus. De lire toutes les citations et références que Justin fait de/à ce chef d'oeuvre au cours du récit, de contempler ainsi, écrit noir sur blanc, son amour inconditionnel pour ce film mythique et tout ce qu'il lui inspire, cela m'a juste donné une envie folle de le voir de mes propres yeux et non plus de le vivre par procuration grâce à notre formidable héros, qui a tout de même réussi à me faire vivre une expérience de cinéma unique et à me donner les frissons sans pour autant que je vois véritablement le film en question ! J'ai d'ailleurs honte de ne jamais avoir vu ce film en vrai (du moins dans son intégralité), si vous saviez... Ce qui est certain, c'est que Justin voue une admiration sans bornes à Spartacus, au film comme à son héros éponyme. Cet esclave honorable qui décide de prendre son destin en main et de se battre pour ce qui lui semble juste va énormément apporter à Justin qui, dès lors qu'il va décider de mettre un pied hors de sa chambre et de ne plus rester constamment le nez dans ses lectures pourtant si passionnantes, va devenir le héros de son existence et avoir une bonne influence sur l'ensemble des personnages qu'il va croiser. Le fait d'observer ce qu'il se passe autour de lui et de devoir agir, quitte à faire des erreurs, va permettre à Justin de grandir et de décider quels combats il a envie de mener. L'un d'entre eux, celui qui constitue le c½ur de la seconde partie du roman, va se dérouler en milieu scolaire sous la forme d'une pièce de théâtre écrite par notre remarquable et si brillant héros lui-même. Je ne vous en dis pas plus sur cette pièce car il faut que vous en alliez voir la première par vous-même. Qui plus est, l'auteur nous fait la gentillesse de nous inviter à assister aux répétitions rocambolesques au cours du récit et ça a été un pur régal que d'en être le témoin privilégié ! Je vous promets beaucoup de fous rires et un sourire attendri qui se dessinera sur vos lèvres aussi face à tant d'ardeur et de solidarité entre eux de la part des jeunes élèves et de leur formidable maîtresse. Et surtout, la pièce de Justin passe un message très important de tolérance et d'humanité alors soyez à l'écoute et accordez-lui l'attention qu'il mérite.

Honnêtement, je dois bien vous avouer que, pour moi, le roman démarrait mal. Enfin, il m'a captivée d'emblée mais la mort du caméléon bien aimé de Justin (ceci n'est pas un spoil) m'a franchement dégoûtée. Surtout que cela aurait largement pu être évité. Je n'y croyais presque pas et surtout, j'ai trouvé cela extrêmement brutal. La mort symbolique de l'enfance de Justin n'aurait pas pu être plus claire, alors que le départ de la nourrice de ce dernier, Samlee, juste avant ce tragique événement nous faisait déjà comprendre que Justin devrait aller voir et explorer au-delà des murs de la confortable et luxueuse demeure familiale afin de chercher des réponses à ses questions et de surmonter son double chagrin. In fine, je me rends compte que ces deux ruptures dans la vie jusqu'alors paisible et douillette, presque léthargique, de notre jeune héros étaient nécessaires. Cela va le pousser à faire des rencontres décisives dans son existence, à commencer par celle avec son arrière-grand-mère, que j'ai mentionnée plus tôt. Je pourrais vous parler pendant des heures de cette femme extraordinaire, de sa sagesse, de son humour aussi et de tout ce qui la rend spéciale et inoubliable. Telle une étoile filante dans le firmament de la vie de sa Vénérable petite grenouille, je regretterai toujours que ces deux destins ne se soient pas croisés plus tôt alors qu'ils vivaient sous le même toit. Pourtant, l'amour si puissant et évident entre eux a toujours été là, leur merveilleuse et instantanée complicité lors des quelques moments fondamentaux et fabuleux qu'ils vivront ensemble en atteste. Je ne remercierai jamais l'arrière-grand-mère pour tout ce qu'elle a fait pour Justin, pour lui avoir révélé tout ce qu'il a de précieux en lui. A certains moments, Justin va se sentir impuissant face aux sentiments de jalousie et de chagrin qu'il éprouve face aux nouveaux amis qu'il va se faire et qui sont plus beaux extérieurement et plus hardis que lui, moins renfermés et "innocents", si vous voyez ce que je veux dire. Étant donné que ces derniers sont d'une classe sociale nettement inférieure à la sienne, il va se servir de la dévotion due à sa famille et de la place très importante qu'il occupe dans cette dernière (les enfants étant vénérés en Thaïlande) pour se défendre, se construire une carapace solide. Ce n'est guère très intelligent, je le sais, et Justin en est immédiatement conscient également. Il va très vite réaliser que sa richesse ne se trouve pas là, dans l'opulence qu'affichent les siens, mais bien ailleurs, dans ces liens qu'il va tisser avec ses nouveaux amis et camarades de classe, dans ce qu'il va créer avec eux, cette pièce de théâtre tout bonnement incroyable, dans le regard qu'il porte sur le monde. Au fil de son avancée dans la propre aventure de son existence, Justin va faire fi des conventions sociales, de la couleur de la peau et même des comportements racistes. Il va prendre conscience qu'il ne faut certes pas les tolérer afin de se faire bien voir et accepter de la masse, mais que ces façons d'agir ignobles, notamment venant des enfants, ne sont pas instinctives mais s'apprennent, aussi horrible cela soit-il. Cela vient de l'éducation que les parents transmettent à leur progéniture, d'une histoire qui s'est construite au fil des siècles et qui est inscrite dans nos gênes, dans notre mémoire collective, peu importe quelles sont nos origines. Cette histoire, c'est celle des esclaves, des colons, des minorités, des dominants et des dominés, des guerres de territoire, entre peuples, au sein d'un même peuple, qui laissent des traumatismes ravageurs à ceux qui les ont directement vécues et un sentiment de confusion et de vide pour ceux qui héritent du récit de ce passé qui ne passe résolument pas. Justin va quant à lui tenter de changer les choses, de ne pas les laisser en état car il sait que ce n'est pas bon, pas juste, que cela fait du mal à tout le monde et qu'il est temps que cela cesse. Je vous le dis, ce héros est d'une intelligence hors du commun, d'une grande lucidité aussi. Il apprend véritablement de ses erreurs et réunit ceux qui ne pensaient jamais bien s'entendre, qui pensaient ne pas faire partie du même monde, alors que si, nous sommes tous un. On ne peut pas mettre de barrières ou d'½illères à l'humanité, celle-ci est indomptable et elle voit avec le c½ur.

En plus de traiter de racisme et de discrimination éthique et sociale avec beaucoup de justesse au travers des personnages très touchants que sont Virgile, Piet, Wilbur et [P], l'auteur aborde aussi la question de la condition de la femme. Ce qu'il est très intéressant de constater, c'est que l'arrière-grand-mère de Justin, doyenne de la famille, reçoit tout le respect et les honneurs qui lui sont dus en fonction de son âge qui lui confère la position de grande cheffe de la lignée mais sinon, les autres femmes présentes dans le roman doivent subir le système patriarcal et se jugent constamment entre elles par rapport au regard que les hommes, qu'ils soient de leur famille ou non, portent sur eux. Il y a à la fois cette dénonciation de la femme perçue comme un objet sexuel, de désir de l'homme ou de future mère et épouse tout en nous dépeignant des personnages féminins qui sont justement forts, qui ont une importance cruciale dans l'histoire, une véritable personnalité qui leur est propre, et qui doivent subir cette façon de penser rétrograde et ces m½urs injustes. Quand je parle de personnages féminins marquants, je pense bien sûr à Samlee, la servante de la famille qui était en charge du bien-être de la Vénérable petite grenouille et qui a dû quitter son poste de force car elle a tapé dans l'½il d'un des oncles de Justin, qui occupe une place de première ordre au sein de leur hiérarchie familiale. Cela m'a tuée de voir ainsi Samlee perdre de son naturel en commençant à se barbouiller le visage et en se pomponnant à la mode occidentale dans le but de plaire à cet homme, de continuer à être sa favorite, notamment au lit, et prier ardemment pour qu'elle puisse être capable de toujours le satisfaire en quoi que ce soit. Justin, lui, aimait sa nounou telle qu'elle était, avec sa beauté sans fards ni artifices, et on lui a enlevé cette dernière sans ménagement. Mais que pouvait faire Samlee ? Elle n'a pas d'autre moyen de gagner de l'argent, il lui est désormais interdit de prendre soin de sa Vénérable petite grenouille qui, qui plus est, est en train de grandir et n'aura donc plus besoin d'elle. Sa vie dépend de ce que la famille de Justin veut bien lui donner. J'ai trouvé cela juste affreux que Samlee doive ainsi se complaire aux ordres et désirs de l'oncle de Justin et en même temps, j'ai senti qu'elle n'avait jamais cessé d'être fidèle à qui elle était vraiment ; malgré la soumission et l'angoisse de ne plus gagner son pain dignement, elle est d'une grande force mentale et spirituelle. Je l'admire beaucoup pour cela.

Et bien sûr, je ne pouvais pas conclure cette chronique sans consacrer un paragraphe aux trois tantes de Justin ! Je garde le meilleur pour la fin mes amis, impossible de ne pas vous parler des Trois Parques ! Je pense qu'aucun surnom n'aurait pu être mieux approprié que celui-là. En effet, si on nous dit dans le résumé que les trois tutrices de notre héros sont jeunes, on a vite tendance à l'oublier tant leur apparence froide et guindée nous donne l'impression que leur âme est millénaire ! Mais ne les jugez pas trop vite car ce sont bien ces trois-là qui vont vous faire vivre les plus palpitantes et abracadabrantes des péripéties ! J'en pleure encore de rire rien que d'y penser ! Nit-Nit est sûrement la tante parmi les trois qui m'a le plus plu. J'ai eu envie un nombre incalculable de fois d'entrer dans le roman pour lui faire un énorme câlin tant elle manque de confiance en elle à cause de son apparence replète alors que, pour ma part, je la trouve rayonnante et magnifique telle qu'elle est. Des trois s½urs, la cadette est certainement celle qui a le meilleur fond et dont le c½ur déborde le plus de tendresse pour notre héros. Par ailleurs, j'ai adoré la complicité si évidente qui transparaît entre Nit-Nit et son petit neveu chéri. Ils forment vraiment un super duo ! Noï-Noï, la benjamine, est sûrement à mes yeux celle qui a le moins de caractère et de personnalité des trois : étant celle qui incarne le plus l'idéal de beauté féminin, elle est l'exemple parfait de la belle ingénue qui se tait, rôle qu'incarne d'ailleurs Samlee auprès de l'oncle de Justin et que Noï-Noï lui envie férocement. J'ai trouvé cela triste d'avoir des aspirations si baisses mais Noï-Noï est victime de son temps, une époque où les femmes sont encore loin d'être aussi émancipées qu'aujourd'hui, et si on rajoute la conception qu'ont les Asiatiques de la femme, gracile et vertueuse (pensez à la chanson Honneur à tous de Mulan, ça vous fera un joli petit topo), on est encore moins sortis de l'auberge. La séduction est l'unique arme de Noï-Noï et cette dernière l'a aiguisée au point d'en être aussi sournoise qu'une vipère. Je lui ai pardonné son attitude blessante et pathétique au fil du temps. Elle n'est qu'une victime d'une société profondément dysfonctionnelle. Enfin, Ning-Nong était au départ celle qui me paraissait la plus antipathique, revêche et insensible. Ce n'est qu'à la fin que je me suis rendue compte qu'elle tient en réalité énormément à ses deux s½urs un peu sans cervelle parfois à cause de leur rivalité en amour (d'ailleurs, on en parle de cet incompétent et insupportable Dr Richardson ? Je ne préfère pas m'épancher sur un tel énergumène...) et elle ne va pas hésiter à se sacrifier pour elles deux. Étant l'aînée, la tradition veut que ce soit elle qui doit se marier la première afin de ne pas jeter l'opprobre sur ses plus deux jeunes s½urs. In fine, Ning-Nong est celle qui a le plus de bon sens et de jugeote, ainsi qu'un respect du devoir familial qui l'honore. Encore une fois, on a affaire à un personnage de femme qui doit ployer sous le poids de la soumission au soi-disant "sexe fort" et de la réputation immaculée qu'une femme se doit d'avoir en son temps et dans un tel pays. Mais, malgré le fait que Ning-Nong doive courber l'échine, elle parvient à le faire la tête haute et avec une dignité intacte. Chapeau bas Madame.

Je me rends compte qu'in fine, je ne vous ai pas parlé des pulsions sexuelles de nos jeunes adolescents. En effet, qui dit Bildungsroman dit personnage principal qui se forme, qui grandit, et qui apprend donc notamment à embrasser ses désirs et à découvrir sa sexualité, à écouter des hormones qui grondent en lui et qui le rendent tout chose. Ce côté érotique du roman, tant chez les adultes que les enfants, aurait pu totalement me refroidir étant donné mon aversion pour la chose, or il n'en fut rien. Certes, cela peut vous donner un sentiment désagréable de voyeurisme en assistant à de tels instants d'intimité mais cette gêne s'envole vite pour laisser place à un sentiment grisant d'harmonie, de communion pure avec les personnages (qui le sont déjà entre eux, si vous voyez ce que je veux dire). Je conclurai donc en disant que ma dernière découverte fut celle de la signification du titre du roman. Autant la précédente appellation française me semblait tout à fait appropriée, autant la nouvelle... Je ne comprenais franchement pas. Puis j'ai découvert que Galant de nuit faisait référence à un brin de jasmin qui ne fleurit qu'à la nuit tombée et dont l'odeur est extrêmement entêtante (d'où le titre anglais Jasmin Nights aussi). Tout s'est alors fait jour dans ma tête. Ce brin de jasmin est caractéristique de cette Thaïlande envoûtante où ce roman m'a fait voyager, de ces instants d'anthologie que j'ai vécus avec ses personnages et où je me suis franchement demandée si je n'étais pas en train de planer tant j'avais la sensation d'en avoir pris de la bonne. Eh bien, je peux vous dire que Galant de nuit est une drogue tout ce qu'il y a de plus recommandable : elle vous fera vivre des moments d'onirisme initiatiques fous, elle vous fera rire et réfléchir, elle vous emmènera vers de nouveaux horizons, dans une nature luxuriante qu'il devient vite difficile de quitter. Alors, parés pour la grande aventure de la vie de Justin ?

Nanette ♥

FICHE LECTURE : Galant de nuit
★★★★(★)
Un très bon roman d'apprentissage qui nous invite à regarder au-delà de nos frontières et à nous immerger dans une culture différente de la nôtre, dans un autre temps.

« Je ressens une terrible injustice dans ce monde, mais je n'ai pas le pouvoir de faire changer les choses. Le dharma du cosmos est perturbé. Je ne peux pas être le seul à l'avoir remarqué, sûrement pas... Pourtant, j'ai l'impression d'être seul. Même Virgil, contre qui ces injustices ont été perpétrées, les accepte comme une fatalité. C'est pourquoi il s'est enfui à la piscine, pour échapper aux Blancs ; c'est pourquoi il ne s'est pas défendu lorsqu'on a voulu le lyncher ; c'est pourquoi il ne fera rien pour défendre le droit d'être traité comme un être humain. Les coups de fouet de l'Irlandais l'ont marqué lui aussi, même si son arrière-grand-mère est enterrée depuis plus de cent ans dans cette terre étrangère de Géorgie, à des années-lumière du roi Shango.
Mais que puis-je faire, moi, le dramaturge vêtu d'un plumage d'emprunt ? Ma propre ineptie me tourmente. »
Tags : Fiche Lecture, Service Presse, Gope éditions, Galant de nuit, Jasmin nights, 1995, Littérature thaïlandaise, réédition, Asie du Sud-Ouest, Thaïlande, Années 60, récit semi-autobiographique, occidentalisation, mysticisme, richesse, hiérarchie, culture, spiritisme, religion, famille, amitié, expériences, faire ses propres choix, tolérance, racisme, différence, acceptation de soi, grandir, individualité, avoir sa propre façon de penser, réflexion, maturité, liberté, exotisme, érotisme, sentiments amoureux, désirs, théâtre, sensualité, enfance, entrée en adolescence, entraide, ingéniosité, intelligence, traditions, us et coutumes, solitude, absurde, humour, onirisme, exaltation des sens, roman d'apprentissage, Très belle lecture
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#Posté le mardi 02 octobre 2018 04:39

Modifié le samedi 22 décembre 2018 15:58

FICHE LECTURE : Le goût amer de l'abîme

FICHE LECTURE : Le goût amer de l'abîme

« Je lui demande :
- Qu'est-ce que je fais ici ? Si tout a une raison d'être, quelle est la mienne sur ce navire ?
Le navigateur retourne à ses cartes, écrit quelques mots et ajoute de nouvelles flèches par-dessus ce qui est déjà inscrit, déposant ses pensées en couches si épaisses que lui seul peut les déchiffrer.
- Raison d'être, finalité, fenêtre, porte, ouverte. Tu es la porte ouverte au salut de l'univers.
- Moi ? Tu en es certain ?
- Aussi certain que nous sommes à bord de ce train. »

• TITRE V.O. : Challenger Deep.
• AUTEUR : Neal Shusterman.
• ANNÉE : 2017 (USA) ; 2018 (FRANCE).
• GENRE (S) : Récit semi-autobiographique.
• THÈMES : Maladie mentale, schizophrénie, folie, illusions, réalité, désespoir, abandon, peur, courage, lycée, adolescence, normalité, famille, angoisse, incompréhension, amitié, amour, drame, deuil, force, survivre, voyage dans le subconscient, hôpital psychiatrique, mensonges, choix,...
• PAGES : 408.

Dès 14 ans - 16,95¤.

Un roman bouleversant qui nous plonge au c½ur de la schizophrénie.

« Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi. Espérons que l'abîme ne voie rien qui l'intéresse. »

A priori, Caden Bosch est un adolescent de quinze ans ordinaire, qui invente des jeux vidéos avec ses meilleurs amis et veut faire partie de l'équipe d'athlétisme. Mais dans son esprit, il est aussi le passager d'un vaisseau lugubre voguant sur des mers déchaînées. Marchant seul et pieds nus dans les rues, craignant que ses camarades de classe ne veuillent le tuer, Caden se perd petit à petit entre hallucinations et réalité.
Le début d'un long voyage au plus profond des abysses, au c½ur de la schizophrénie, où il risquerait bien de se noyer.

Inspiré d'une histoire vraie, un roman d'une justesse incroyable sur les maladies mentales, qui nous fait naviguer entre rêve et hallucination.

« Ce roman est bouleversant car écrit avec amour, mais il est aussi plein d'humour, un humour grinçant et subtil. »
Hornbook

« Neal Shusterman déploie avec grandeur deux récits enchâssés qui s'entremêlent peu à peu pour se fondre en un roman extraordinaire. »
Booklist

L'AUTEUR : Né en 1962 à New York, Neal Shusterman est l'auteur de romans pour Jeunes Adultes, dont La Faucheuse (Robert Laffont, Collection R, 2017), et a été récompensé par de nombreux prix. Il écrit également pour la télévision et le grand écran.
Avec Le goût amer de l'abîme, il a replongé dans sa propre histoire pour mettre en mots la schizophrénie avec laquelle s'est battu son propre fils pendant des années.
FICHE LECTURE : Le goût amer de l'abîme
ஜ MON AVIS :

Bonjour mes petits amis ! Aujourd'hui, on se retrouve pour une chronique que j'ai repoussée pendant longtemps, tout simplement parce que le livre dont je vais vous parler m'avait à ce point laissé sans voix que j'avais sans cesse la sensation de ne pas trouver les bons mots quand il s'agissait d'organiser mes sentiments le concernant. Je vais faire de mon mieux afin d'exprimer mon avis sur Le goût amer de l'abîme le plus clairement possible, mais je vous préviens que cette tâche ne sera pas aisée, tout simplement car ce roman nous laisse sens dessus dessous une fois la lecture terminée, c'est le cas de le dire. Mais une fois n'est pas coutume, je tiens à sincèrement remercier les éditions Nathan pour leur envoi des Épreuves non corrigées (ENC) de ce livre, cela m'avait extrêmement touchée d'être ainsi "privilégiée" et je tenais à ce qu'ils sachent que cette marque d'attention et de gentillesse n'avait pas été considérée à la légère. J'étais extrêmement curieuse de découvrir cette nouvelle parution de leur catalogue, non seulement pour son titre que je trouvais si poétique, presque onirique, mais qui s'est révélé être en réalité extrêmement concret avec cette saveur amère de sel qui se retrouve dans notre bouche au cours de la lecture, mais aussi et surtout pour son auteur, Neal Shusterman, que j'avais découvert grâce à la Collection R et au premier tome de la géniale saga de La Faucheuse, dont vous pouvez lire ma chronique ici. J'étais très intriguée de lire un autre roman de cet auteur dans un registre totalement facilement, même si l'on reste dans une certaine noirceur, celle des profondeurs de la mer remplaçant la sombre aura de la mort. Quoique, ces dernières se rejoignent bien souvent... Qui plus est, il s'agit du premier titre de Neal Shusterman publié chez la maison Nathan, que je ne peux qu'applaudir pour son choix éditorial fort judicieux. En effet, Le goût amer de l'abîme sait s'adresser à un jeune public tout en le faisant grandir et mûrir grâce à des thématiques fortes et à une écriture puissante et captivante, qui sait sortir des sentiers battus, mais il ne laissera personne indifférent, peu importe l'âge ou la situation. Dernier point qui a achevé de me convaincre de me jeter sur ce roman : Neal Shusterman a mis à contribution les talents d'illustrateur de son fils Brendan pour l'élaboration de ce livre si spécial. J'ai remarqué que cet auteur accordait une importance toute particulière à sa famille et je trouve cela profondément beau et inspirant. Entre Le goût amer de l'abîme et le livre à vocation écologique Dry écrit à quatre mains avec un autre de ses fils, Jarrod, la famille est définitivement au c½ur de l'oeuvre littéraire de Neal Shusterman et je constate grâce à lui que c'est la plus vraie et la plus splendide des sources d'inspiration. La plus parlante aussi. Dans le cas du Goût amer de l'abîme, son fils qui se trouve être... au c½ur même du livre. Si Neal Shusterman nous faisait déjà part d'un morceau de lui-même dans La Faucheuse en abordant de plein fouet le sentiment universel du deuil, qui nous atteint tous sans exception à un moment donné de notre existence, avec Le goût amer de l'abîme, il nous livre sans retenue un chapitre fondamental de son histoire personnelle, celui qui a pour personnage principal son fils atteint de schizophrénie, Brendan. Un tel acte de courage et d'amour, à la fois de la part du père et du fils, ne méritait que la considération qui lui était naturellement due. Je me suis donc plongée entre les pages de ce livre qui promettait un océan d'émotions à l'état brute, aussi irritantes que le sel de mer qui colle à la peau et à l'intérieur de la gorge, qui vous imprègne la bouche de sa saveur quand vous buvez la tasse. Plus qu'un océan, j'ai eu l'impression de vivre un raz-de-marée et, en tant que survivante de ce grand moment, je suis là pour en témoigner et vous inviter à frôler le danger tout comme je l'ai fait. A vos risques et périls si, telle Calypso, je parviens à vous envoûter et donc à vous convaincre.

Dans ce livre, nous allons suivre le personnage de Caden Bosch. Avatar de Brendan Shusterman au sein de ce roman semi auto-biographique, Caden est un adolescent de quinze ans à première vue comme vous et moi : il aime la course, les jeux vidéos, il est très inventif et a un don pour le dessin. Cependant, on ne s'y laisse pas tromper. Dès les premières lignes, Neal Shusterman nous place dans le vif du sujet et nous fait comprendre que Caden est en réalité loin d'être comme les autres. L'auteur prend le parti de consacrer la narration aux pensées du héros de son histoire. On est constamment dans la tête de ce dernier et on prend ainsi pleinement conscience de ce qui le tourmente à longueur de journée, de ce qui ne lui laisse aucun repos. Je tiens à vous prévenir que cela peut être profondément perturbant et même vous refroidir à l'idée de lire ce livre. Quand on commence une nouvelle lecture, on s'attend souvent à des pages d'introduction qui nous permettent une entrée en matière en douceur, même si les sujets abordés dans le roman vont se révéler dur. Ici, dès le départ, dès la toute première ligne, c'est brutal, c'est inattendu, ça se jette sur vous tel un étau qui se referme et ne laisse pas vous échapper. C'est comme si un froid presque létal s'était insinué dans vos veines et vous empêchait le moindre mouvement, le moindre libre arbitre. La narration interne de Caden est semblable à une prison, impossible de s'en échapper, impossible de raisonner autrement. Cette façon de penser en passant du coq à l'âne et en floutant sérieusement les frontières entre chimère et réalité va devenir notre mode de fonctionnement, et ce jusqu'à la fin du roman. Telles qu'on les lit retranscrites sur le papier, les pensées de Caden sont telles des vagues qui vous emportent jusqu'au fond de l'eau et refusent de vous laisser partir. Elles vous mettent à terre, elles vous suffoquent, elles remplissent vos poumons d'eau salée jusqu'à ce que l'air, le bon oxygène, n'y ait plus sa place. Je peux comprendre que vous ayez envie de fuir face à l'incompréhension et à l'angoisse que ces premières phrases du récit vont faire naître en vous. Mais ne le faites pas, surtout pas. Restez. Caden a besoin de vous pour se sortir de sa prison mentale, vous êtes sa seule chance d'évasion et de ne pas devenir fou. La folie est le propre de l'écriture de Neal Shusterman avec ce livre. Je connaissais déjà la plume de cet auteur comme étant corrosive, comme allant droit au but, sans fard, sans chichis, comme étant percutante et même foudroyante. Mais là, je crois qu'elle a atteint un stade d'authenticité comme jamais jusqu'alors. J'ai été littéralement bluffée par la prouesse que l'auteur réussit à accomplir : mettre en mots tous les parasites qui hantaient la tête de son fils jour et nuit. De saisir toutes les nuances de cette maladie qu'est la schizophrénie grâce à son don pour l'écriture. J'avais déjà connu ce sentiment avec le remarquable roman de John Green Tortues à l'infini, mais c'est dans le cas du Goût amer de l'abîme tout simplement prodigieux ; incisif aussi car on ressent entre les lignes l'impuissance que Neal Shusterman en tant que père a dû éprouver en voyant son fils sombrer dans des méandres que l'on ne s'imagine même pas. Cependant, j'ai envie de sincèrement dire à l'auteur que son propre combat ne fut pas inutile, bien au contraire : ce livre-testament en est la preuve qu'il a réussi à gravir cette montagne que la vie avait érigé sur le chemin de sa famille. Ou plutôt, pour rester dans les métaphores maritimes, Brendan et Neal, le père et le fils, ont survécu au naufrage du bateau que représente la schizophrénie dans la tête et les rêves de Caden. On ne leur a pas faites, à eux. Leur amour étouffé par le grondement de l'océan, incapable d'être exprimé "normalement" dans ces temps de tempête, a été plus fort que tout.

Au fond, que puis-je dire face à un tel miracle ? Je me suis énormément attachée au personnage de Caden, qui voit sa vie se briser en mille morceaux le jour où ses pensées paranoïaques se mettent à faire de plus en plus de bruit dans sa caboche et à le rendre aveugle à ce qui est vrai : son crayon qui court sur le papier, ses meilleurs amis avec qui il partage une passion et un merveilleux projet créatif, sa famille qu'il aime plus que tout au monde et qui le lui rend bien. Caden était simplement lui avant de devenir moussaillon de l'odieux capitaine. Caden était un simple jeune homme, un adolescent avec beaucoup de potentiel et de lumière en lui. Pourquoi a-t-il fallu que tout se ternisse d'un coup comme ça, que cette saveur amère se loge dans sa bouche telle une noyade constante, comme si on ne parvenait jamais vraiment à recracher toute l'eau ingurgitée ? Pourquoi a-t-il fallu qu'un satané perroquet de malheur vienne se loger sur son épaule et ainsi la broyer, produire un tel vacarme dans ses oreilles sourde à toute parole réelle, à laquelle on peut se raccrocher ? Pourquoi lui ? Je pense que je ne cesserai jamais de me poser la question, pour Caden, pour Brendan. Ce qui est sûr, c'est que je ne veux plus reposer un pied sur ce bateau de toute ma vie. Le capitaine et le perroquet sont clairement à mes yeux persona non grata. Alors que j'avais cru comprendre les pensées les plus insensées de Caden au fur et à mesure du roman, le mystère de ces deux antagonistes n'a fait que s'épaissir pour moi. Il était clair à mes yeux qu'ils étaient des métaphores, deux oppositions qui permettaient à Caden d'un tant soit peu s'y retrouver dans ce mic-mac perpétuel. La lumière se fera brusquement, vous verrez. Tout ce qui se trouve dans la tête de Caden, les choses comme les gens, sont une déformation gigantesque de la réalité. C'est comme si on essayait de regarder cette dernière en face, mais dans un miroir grotesque de fête foraine. Ou dans une glace brisée en une infinité d'éclats, autrement dit un reflet de malheur. Le capitaine et le perroquet étaient les parallèles les moins évidents à dresser, à décrypter. Encore un autre signe du talent évident de Neal Shusterman à imager des thématiques fortes et loin d'être agréables de la réalité de notre monde. Ça vous en fera presque mal au crâne d'essayer de discerner le vrai du faux, le bien du mal, mais si vous n'aviez qu'une chose à retenir, ce serait celle-ci : ne faites confiance à aucun des deux. Le capitaine et le perroquet vous paraîtront à certains moments dignes de confiance, et symboles d'espoir, mais ce n'est qu'un leurre abjecte. Ne tombez pas entre leurs serres ou sous leur crochet. Moi-même, comme Caden, j'avais envie de les croire, de me placer sous leur aile, de leur obéir. Cela paraissait tellement plus facile, plutôt que d'avoir la peur au ventre et de ressentir une peur lancinante à chaque instant. Mon conseil à moi, ce serait que vous embrassiez cette peur, que vous vous en serviez comme d'un punching-ball, que vous lui disiez NON, de tout votre être, de toute votre âme. Ne la laissez pas vous terrasser. Les peurs de Caden ne sont pas si dissemblables des nôtres que ça. J'ai été surprise de parfaitement les comprendre à beaucoup de moments. Je les ai ressenties aussi, à un moment dans ma vie, et elles me sont revenues de plein fouet au cours de ma lecture. Je dirais simplement que la différence entre Caden et nous, c'est qu'il s'est immergé dans ses peurs jusqu'au cou. Il s'est laissé couler dans ces eaux profondes, insondables, d'une noirceur que nous sommes souvent bien incapables d'affronter. C'est là que la différence de ce personnage devient une force : il parvient à toucher le fond de l'eau et à remonter à la surface. La maladie n'a pas fait de lui une épave échouée dans les plus noires abysses des mers. Tous n'ont pas cette chance de sortir ainsi la tête hors de l'eau. Certains connaissent des destins tragiques, injustifiés ; d'autres ne parviennent pas à se faire à cette idée (et on les comprend) qu'ils sont prisonniers de leur corps, de leurs pensées, que leur âme est perdue à l'intérieur de cette carcasse immense qui fait office de bâtiment carcéral et qu'ils en sont la propre clé. Pour ce qui est de Caden/Brendan, le chemin vers une vie apaisée et à peu près normale est encore long. Les deux sont de véritables rescapés d'une monstruosité de notre corps humain, de notre psychisme, qui dépasse l'entendement. Cependant, entendons-nous bien : la monstruosité n'est pas la personne, la personne est victime de cette monstruosité qui l'engloutit comme les eaux affamées de l'océan ou la baleine Monstro, d'accord ? Ne faisons pas de jugements trop hâtifs en mettant des étiquettes aux gens trop rapidement. Je vois mon petit Caden comme le garçon courageux et bienveillant qui a réussi à sortir du ventre de la baleine. Comme un héros, comme un survivant. Comme un être humain extraordinaire. Baisser les bras n'est pas dans sa nature, aussi terrifié et perdu soit-il. Abandonner les autres non plus. J'ai ressenti un tel élan de tendresse pour lui que j'en avais envie de le serrer de toutes mes forces dans mes bras. De lui montrer de tout mon être que j'étais là, qu'il n'était pas seul. Que moi aussi je doutais de la tangibilité de ce monde, tout comme lui. Notre réalité telle que nous la connaissons est-elle véritablement normale ? Existe-t-il une normalité parfaite ? Je crois qu'il est bien plus dur qu'il n'y paraît de répondre à de telles questions. Pas étonnant que Caden en ait eu des sueurs froides et des maux de crâne. Je ne peux que compatir à cette folie empreinte de mélancolie, de colère brûlante et de peur panique qui lui collait à la peau et qui ne voulait et ne voudra sans doute jamais le laisser s'en aller. Elle me cause souvent bien des tourments à moi aussi. Nous étions deux dans cette galère. Et nous en sommes sortis vivants. Si vous prenez la peine de lire ce magnifique livre, vous en réchapperez vous aussi. Vous sentirez certes toujours le sel de mer vous faire comme une seconde peau et cette "croisière" (quel mot peu approprié ! J'aurais mille fois mieux préféré le kitsch de La croisière s'amuse) obnubilera vos pensées, à tel point que vous vous direz que « vous n'avez pas signé pour ça ». Mais dans la foulée, vous vous ferez un ami à la valeur inestimable qui vous apprendra beaucoup plus de choses sur vous même que ce que vous croyiez savoir, et dont les dessins d'une abstraction désormais chaotique (la contribution en tant qu'illustrateur de Brendan lui-même à l'ouvrage de son père était tout bonnement nécessaire afin de donner à cette histoire son véritable poids) faits essentiellement de lignes entremêlées représenteront pour vous à la fois le pire des cauchemars et le fil conducteur salvateur vers la sortie. Dans le change, vous y gagnez beaucoup.

Et le véritable Caden, Brendan, aussi, au fond. Son histoire mérite d'être connue, le livre que son père lui a dédié d'être mis entre toutes les mains. Aujourd'hui, vous pouvez trouver sur Internet des photographies d'un Brendan souriant et en bonne santé se tenant aux côtés de son père. Qui sait ce qui se cache derrière ce sourire. Pour ma part, ce qui est certain, vous ne me l'enlèverez pas de l'idée, c'est que l'éclat de ce sourire est réel, bien réel. Il n'y a pas de mensonges ou de faux semblants là-dedans. J'en applaudis à deux mains Brendan. Je n'ose imaginer les épreuves qu'il a dû traverser pour en arriver là, à ce sourire qui le fait paraître normal, et mener une vie normale. Le goût amer de l'abîme ne nous en donne qu'un bref aperçu et c'est déjà suffisant pour nous épouvanter et nous donner la sensation écrasante que cela est insurmontable. Brendan est la preuve irréfutable du contraire. Il est tout simplement admirable, et je souhaite à toutes les personnes dans son cas de s'en sortir aussi bien que lui. De s'en sortir tout court. L'injustice de la chose m'oppresse et me donne envie de hurler jusqu'à en tomber à genoux. Ce pourquoi ? m'étranglera jusqu'au bout, décidément. En tout cas Brendan, sache que tu forces le respect. Je t'admire à en avoir eu les cils tout mouillés et le souffle coupé une fois le livre refermé. J'admire aussi immensément ton père d'avoir réussi à t'offrir le plus beau cadeau qui soit : le sentiment d'être compris, comme si à travers ces quatre cent huit pages, ton père te disait sans s'en cacher : « Je sais exactement tout ce que tu as traversé mon fils, je le comprends, et je t'aime. » C'est exactement ça, ce livre est une déclaration d'amour d'un père à son enfant, une déclaration qui se fait aux yeux du monde entier grâce au pouvoir résolument magique et sans bornes de la littérature. Impossible de rester insensible face à un tel roman pétri d'émotions à l'état brute et d'humanité. Alors lisez-le, c'est tout. Challenger Deep, le titre originel du roman, se trouve aussi être l'appellation qui désigne le point le plus profond jamais mesuré dans les océans. On peut dire que jamais un roman n'a porté aussi bien son nom. C'est là que Neal Shusterman, Brendan/Caden et moi-même nous vous invitons à vous rendre. Serez-vous capable de défier la profondeur des océans ? Ce roman parviendra à vous prouvez que oui, vous le pouvez, et que vous êtes capables de bien d'autres choses encore. Vous êtes beaucoup plus forts que vous ne le pensez. Ayez confiance et lisez. Juste, lisez.

Nanette ♥

FICHE LECTURE : Le goût amer de l'abîme
COUP DE C¼UR ♥ aussi profond que l'abîme...


FICHE LECTURE : Le goût amer de l'abîme
Source des images : dustypalms, darklingaleks.

« - Je ne bois pas, OK ? Peut-être une bière en soirée, une fois de temps en temps, tu vois, quoi, mais c'est tout. Je ne me soûle pas.
- Eh bien, peu importe ce que tu prends. Tu peux me le dire. Je comprendrai. Max aussi - c'est juste qu'il ne sait pas comment te le dire.
Soudain, mes mots se déversent sur Shelby en dures consonnes.
- Je vais bien ! Je ne prends rien. Je ne fume pas de crack, je ne sniffe pas de Ritaline, je n'aspire pas le gaz des bouteilles de crème chantilly et je ne me shoote pas avec du Destop.
- OK, lâche Shelby qui ne me croit pas une minute. Quand tu auras envie d'en parler, je serai là. »

« On est devant la sortie. La première porte s'ouvre et on entre dans le petit sas de sécurité. Ma mère passe un bras autour de moi et je sens qu'elle le fait au moins autant pour elle que pour moi. Elle a besoin du réconfort d'être enfin capable de me réconforter ; ce qu'elle n'a pas pu faire pendant longtemps.
Ma maladie nous a tous plongés dans les abysses, et même si moi, eh bien, j'ai exploré Challenger Deep, je ne peux pas minimiser ce que ma famille a traversé. Je n'oublierai jamais que mes parents sont venus me voir à l'hôpital tous les jours, même quand j'étais clairement ailleurs. Je n'oublierai jamais que ma petite s½ur m'a tenu la main et qu'elle a essayé de comprendre ce que c'était que de se trouver dans cet ailleurs. »
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#Posté le vendredi 02 novembre 2018 18:56

Modifié le dimanche 18 novembre 2018 15:32

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