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FICHE LECTURE : Les Nobles

FICHE LECTURE : Les Nobles

• TITRE V.O. : Phou Di.
• AUTRICE : Dokmaï Sot.
• ANNÉE : 1937 (THAÏLANDE) ; 2008, 2018 (FRANCE).
• GENRE (S) : Roman d'apprentissage.
• THÈMES : Années 30, société patriarcale, hiérarchie familiale, respect des traditions, bouleversement, urbanisation, avenir, liberté, éducation, études, drame, deuil, émancipation, courage, souffrance, chagrin, intégrité morale, amour, respect des ancêtres, aristocratie, relation mère/fille, sagesse, émoi, amitié, soutien, appui, héritage, générations futures, portrait de femme, place de la femme, jeunesse, grandir, maturité, privation, générosité, récompense, spiritualité...
• PAGES : 367.

Bangkok, milieu des années trente.
Wimon, belle jeune femme de 21 ans née dans une famille noble, est très courtisée et appréciée de tous. Sa vie aisée et insouciante bascule soudainement... La voilà chargée de sauver sa famille de la déchéance, de la maintenir unie et de pourvoir aux besoins de ses nombreux frères et s½urs. S'affranchissant parfois de conventions archaïques, elle fait preuve de pragmatisme et n'hésite pas à faire de grands sacrifices.
Ce faisant, elle attire l'attention de son nouveau voisin, Phraya Phonlawat, haut fonctionnaire dans un ministère, qui la couve du regard avec sollicitude et admiration...
La valeur d'une personne, sa noblesse, dépend-elle de sa naissance, de son statut social, de sa richesse ou plutôt de son comportement, de sa moralité ? Se révèle-t-elle dans les épreuves ?

L'AUTRICE : Dokmaï Sot (1905-1963), romancière thaïlandaise de premier plan, est l'auteur d'une douzaine de romans et de nombreuses nouvelles dont les protagonistes sont souvent des femmes.
Née et élevée dans une famille aristocratique de haut rang, elle a commencé à écrire dès l'âge de 20 ans et a poursuivi une carrière littéraire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Parmi ses thèmes de prédilection, il y a celui des dilemmes moraux auxquels font face les Siamois qui voient leurs valeurs traditionnelles remises en question par la modernisation du pays.
Les Nobles, publié en 1937, est son ½uvre phare. Ce grand classique de la littérature thaïlandaise moderne, imprégné de valeurs bouddhistes, a été maintes fois réédité.
FICHE LECTURE : Les Nobles
ஜ MON AVIS :

Coucou mes petits amis ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un livre réédité il n'y a pas si longtemps, en décembre 2018 : Les Nobles de Dokmaï Sot. Je tiens tout d'abord à sincèrement remercier la maison d'édition Gope éditions pour ce très bel envoi. Dès que j'avais reçu le mail d'information concernant la parution de ce livre, j'avais été très curieuse de le découvrir. Déjà parce qu'il s'agit d'un roman phare, d'une ½uvre emblématique dans son pays, la Thaïlande, qui est considérée comme un témoin de son temps, les années trente, une période où le pays est en plein bouleversement technologique et urbain et où les Siamois se remettent beaucoup en question concernant leur philosophie de vie. Ensuite, ce qui m'a fortement intriguée, hors le fait que la couverture est absolument sublime et que la jeune femme à l'air grave qui y est représentée incarne bien l'élégance et la beauté ravissante qui caractérisent notre héroïne Wimon, c'est le titre même du livre. Dès la première page, avant même de commencer le roman, on nous explique que Phou Di, le titre originel, signifie avant toute chose "noble d'âme et d'esprit" dans l'idéologie bouddhiste sacrée aux yeux de la majorité de la population siamoise. J'ai trouvé que le titre français rendait très bien cette idée et que son ambivalence était tout à fait adéquate, qu'elle correspondait bien aux personnages qui nous sont présentés au cours de l'intrigue. En effet, "Les Nobles" peut renvoyer à la noblesse provenant de la naissance, de l'appartenance à une famille aisée, d'une situation financière et matérielle bien particulière. Mais être quelqu'un de noble, c'est aussi être une personne honorable et vertueuse dans ses paroles, ses actes, sa façon de penser l'existence. Bref, j'ai trouvé pour ma part que le titre français était des plus appropriés pour un tel livre. Et avant d'entrer véritablement dans le vif du sujet, je souhaitais juste féliciter les éditions Gope pour ce sublime objet livre, très agréable à tenir en main. C'était la première fois en tout cas que je recevais un livre paperback (en tout cas aussi souple) venant de chez eux et cela m'a fait grandement plaisir d'avoir cette jolie surprise, étant donné qu'il s'agit de mon format préféré. Assez tergiversé, maintenant, place au livre !

Ce que j'ai énormément aimé avec ce roman, c'est la vision complémentaire qu'il m'a apportée de la Thaïlande si on l'associe à la lecture de Galant de Nuit (voir ma chronique ici). Là où ce dernier, roman d'apprentissage se déroulant dans les années soixante, se concentrait essentiellement sur les chamboulements culturels et éthniques que la Thaïlande connaît à ce moment-là, avec notamment les questions épineuses du racisme au sein d'une société nouvellement cosmopolite et du sexisme dans un cercle familial profondément marqué par le patriarcat, Les Nobles aborde en particulier cette dernière interrogation de la place dans la famille d'une femme mais aussi des enfants en général qui en incarnent l'avenir, mais creuse surtout le sujet de la conscience morale envers des traditions religieuses soit-disant immuables. Chaque chapitre est introduit par une citation du Bouddha lui-même qui nous inculque d'être généreux envers autrui, notamment envers les plus pauvres en matière de biens et d'intelligence, de ne pas faire preuve de vanité ou de cruauté, même si l'on jouit de la plus grande prospérité dans le monde terrestre.

Ce sont ces principes d'une immense sagesse que notre héroïne, Wimon, s'évertue à suivre depuis sa plus tendre enfance. Je me suis très vite attachée à ce personnage principal que j'ai trouvé extrêmement inspirant et qui, dès le début du roman, va connaître une horrible tragédie alors qu'elle vient juste de passer le cap de l'enfance à l'âge adulte : la perte d'un être qu'elle aimait plus qu'elle-même, son père. Impossible à ce moment-là de ne pas ressentir une profonde empathie pour la jeune femme, qui doit alors porter toutes les responsabilités liées au bien-être de la famille sur ses frêles épaules. En effet, dans un pays où un homme peut prendre plusieurs épouses, laquelle est la plus légitime pour devenir cheffe de famille ? Dans le cas présent, c'est Wimon qui va hériter de ce rôle et qui va devoir assurer la subsistance de ses petits frères et s½urs. Jusqu'à présent, Wimon était une jeune fille qui grandissait et qui continuait de s'épanouir telle la plus resplendissante des fleurs, profitant de la richesse accumulée par son père au fil de sa carrière, sans pour autant jamais en abuser ou ressentir du mépris et du ressentiment envers des membres de sa famille moins bien nés ou envers ses domestiques. Wimon s'est toujours montrée d'un infini respect, que ce soit envers son père, envers le personnel dévoué de la maison familiale, que Wimon considère avec une tendresse toute particulière, envers sa belle-mère, qu'elle estime plus que tout, envers sa mère biologique, même envers la dernière concubine de son père, qui est particulièrement insupportable et qui va lui mener la vie dure. D'ailleurs, beaucoup de personnes de l'entourage de Wimon vont essayer de la faire se sentir coupable de sa naissance, des facilités que la vie lui a accordées, alors que cette dernière ne s'est pourtant jamais montrée ingrate ou irrévérencieuse. Même après que le deuil et la pauvreté l'aient frappée de concert, ces mêmes personnages vont essayer de l'abattre encore plus moralement et de la salir. Pour ma part, je pense que ceux-ci n'ont rien compris. Depuis toujours, la plus grande richesse de Wimon a toujours résidé dans son c½ur, dans l'amour qu'elle éprouve pour les gens qu'elle aime. Elle a toujours réussi à se montrer à la hauteur des personnes qu'elle respecte le plus, consciencieuse, attentive et compréhensive ; quoiqu'il puisse lui arriver, elle reste digne et garde la tête haute, malgré la souffrance qui la brise de l'intérieur.

Vous l'aurez compris, j'admire énormément cette jeune femme qui fait preuve au cours du récit d'un grand courage et d'une détermination sans failles afin de pas laisser sa famille dans le besoin. Pourtant, à de nombreux moments, elle ne va pas recevoir la gratitude qu'elle mériterait, sans même que son entourage direct ne s'en rende compte au fond, car elle prend tout sur elle afin de que les dernières volontés de son père soient respectées à la lettre et qu'il puisse reposer en paix comme il se doit. Wimon ne va pas hésiter à choisir de mener un mode de vie des plus modestes afin de privilégier le bonheur de ses petits frères et s½urs plutôt que le sien. Elle va accepter de son propre chef de faire beaucoup de sacrifices afin son frère jumeau puisse continuer ses lourdes études d'expert comptable, elle va patiemment endurer les privations et s'occuper de toutes les corvées de la maisonnée sans jamais se plaindre, contrairement à sa mesquine de cousine Sutchaï, une vraie langue de vipère qui ne manque pas d'air et qui aurait dû en prendre sérieusement de la graine. J'ai énormément apprécié aussi le fait que l'éducation des hommes comme des femmes soit également mise en avant, en poursuivant par exemple de longues études pour assurer un avenir serein à sa famille et contribuer au rayonnement de son pays, avec cet appel à embrasser le savoir et à ne pas baisser les bras face aux obstacles qui peuvent se dresser sur notre route. J'ai également été très touchée par la relation que Wimon entretient avec Khun Sae, celle qui est appelée de façon très belle et tout ce qu'il y a de plus vraie "l'épouse de c½ur" de feu son père. Le destin a fait de manière presque miraculeuse que Khun Sae et Wimon s'apportent à chacune ce qu'elles n'avaient pas ou croyaient avoir perdu à tout jamais. J'ai beaucoup aimé le fait qu'elles prennent le temps de discuter entre elles, de s'épancher sur les sentiments qui les animent, de se montrer franches l'une envers l'autre, et ce en toute circonstance. Wimon étant avant tout un être humain, qui en a vu des vertes et des pas mûres qui plus est, va parfois ressentir des sentiments très sombres et avoir envie d'exploser au cours du récit, et on peut tout à fait le comprendre. Sae va être l'âme sage, à l'écoute et de bon conseil, qui va rappeler à Wimon que tout ce qu'elle a fait jusqu'à présent, toutes ses restrictions et ce dur labeur, tout cela n'a pas été en vain. Elle va lui rappeler sa véritable valeur et est là pour elle, pour la soutenir et lui apporter ce dont elle a besoin : de la considération et l'amour d'une mère qui prend soin de vous. Je pense que j'aurais adoré rencontrer Sae ; c'est une femme d'une immense gentillesse et qui a beaucoup à nous apprendre. Elle est celle qui a élevé la femme d'exception qu'est Wimon, après tout. Surtout, je pense que, malgré le fait qu'elle respecte les us et coutumes de son temps et de son pays concernant la façon dont étaient traitées les femmes, l'autrice a voulu faire passer le message très discret mais éloquent qu'une femme a le droit de mener sa vie autrement, d'être autre chose qu'une épouse docile, de prendre en main son destin. Une personne visionnaire en somme, cette grande dame Dokmaï Sot.

Pour conclure, je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans la lecture de ce très beau roman si vous en avez l'occasion ! Ne prenez pas peur face à la pléiade de personnages qu'il renferme et aux titres honorifiques très semblables que ces derniers portent en fonction de leur relation au roi, de leur position au sein de l'aristocratie du pays. On s'y fait très vite et un glossaire des personnages est là au tout début du livre pour vous rappeler qui est qui. Personnellement, j'ai beaucoup aimé m'y référer. Je suis extrêmement contente d'avoir pu découvrir l'autrice qu'était Dokmaï Sot, dont la plume fort agréable à lire nous dresse ici un sublime portrait de femme et une vision acérée et très juste de son époque, prise entre deux étaux : d'un côté, le respect inébranlable aux traditions maritales et religieuses, de l'autre, l'appel irrésistible d'un avenir qui annonce de grands changements. Ce que je retiens surtout de ce roman, c'est que la véritable beauté vient du c½ur, de nos sentiments envers l'humanité, et de ce que notre conscience nous dicte. C'est là que réside notre joyau le plus étincelant. Si notre apparence est en adéquation avec nos actes emplis de bonnes intentions et tendant à faire le bien autour de nous alors les personnes qui nous entourent ne pourront que constater notre sincérité et le fait que nous irradions notre petit monde de lumière, tel un phare dans la nuit, même en temps de misère et de désespoir. Si l'on reste toujours fidèle à soi-même et que l'on fait preuve de bienveillance, l'esprit tourné vers la paix et l'harmonie, alors il y aura toujours une personne inattendue pour incarner cette sérénité et cette main tendue auprès de nous, comme nous le sommes pour autrui. Il ne faut jamais perdre sa foi en ses valeurs et continuer à aller de l'avant, malgré les épines de l'existence et la médisance crasse de certaines personnes. Merci à Wimon et à Dokmaï Sot pour cette belle leçon de vie, je la garderai précieusement dans mon c½ur, à tout jamais.

Nanette ♥

FICHE LECTURE : Les Nobles
★★★★★
Un portrait de femme extrêmement beau et inspirant, une lecture marquante et pertinente que je n'oublierai pas de sitôt ! Un voyage dans le temps qui a des résonances actuelles...

« L'enfant est l'être qu'on aime le plus au monde, personne ne le conteste. Cet amour conduit au sacrifice, du plus petit au plus grand, cet amour est un maître, une terre fertile qui fait pousser les plantes. Il inspire toutes les pensées d'une mère, guide son instinct. Une mère sème pour le bien de son enfant, le sang de son sang. »
Tags : Fiche Lecture, Service Presse, Gope éditions, Les Nobles, Phou Di, Dokmaï Sot, 1937, Littérature asiatique, Thaïlande, 2018, roman d'apprentissage, Années 30, société patriarcale, hiérarchie familiale, respect des traditions, bouleversement, urbanisation, avenir, liberté, éducation, études, drame, deuil, émancipation, courage, souffrance, chagrin, intégrité morale, amour, respect des ancêtres, aristocratie, relation mère/fille, sagesse, émoi, amitié, soutien, appui, héritage, générations futures, portrait de femme, place de la femme, jeunesse, grandir, maturité, privation, générosité, récompense, spiritualité, 2008, Très belle lecture
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#Posté le mardi 08 janvier 2019 07:52

Modifié le mardi 15 janvier 2019 07:05

FICHE LECTURE : Galant de nuit

FICHE LECTURE : Galant de nuit

« Il me faut connaître les ténèbres pour trouver la lumière. »

• TITRE V.O. : Jasmin Nights.
• PRÉCÉDENT TITRE FRANÇAIS : L'Année du Caméléon.
• AUTEUR : S.P. Somtow.
• ANNÉE : 1995 (THAÏLANDE) ; 2007, 2018 (FRANCE).
• GENRE (S) : Récit semi-autobiographique.
• THÈMES : Années 60, occidentalisation, mysticisme, richesse, hiérarchie, culture, spiritisme, religion, famille, amitié, expériences, faire ses propres choix, tolérance, racisme, différence, acceptation de soi, grandir, individualité, avoir sa propre façon de penser, réflexion, maturité, liberté, exotisme, érotisme, sentiments amoureux, désirs, théâtre, sensualité, enfance, entrée en adolescence, entraide, ingéniosité, intelligence, traditions, us et coutumes, solitude, absurde, humour, onirisme, exaltation des sens, roman d'apprentissage...
• PAGES : 410.

Bangkok, 1963.

Dans le milieu de l'aristocratie thaïlandaise, Justin, douze ans, surnommé par les siens « Vénérable Petite Grenouille » ou « Khoun Nou », vit coupé du monde. Élevé par Nit-nit, Noï-noï et Ning-nong, ses trois jeunes tantes, cet enfant précoce, pétri de culture classique et doté d'une imagination fertile, se construit à travers son propre univers.

La mort de son caméléon, dont l'esprit jouera le rôle de génie tutélaire, et la rencontre avec son arrière-grand-mère, avec qui il entretiendra une relation privilégiée, agiront sur lui comme un déclic : pris entre deux cultures, plus tout à fait enfant, mais pas encore adulte, Justin devra se réconcilier avec son identité siamoise et se confronter au monde réel.

Si ce roman met en exergue l'amitié entre jeunes gens qui transcende préjugés, racisme et différences sociales, il évoque aussi, souvent avec humour, tout ce que l'on perd en atteignant l'âge adulte. En outre, on y découvre le Bangkok séculaire, presque rural avec ses innombrables khlongs encombrés de barques et ses moiteurs nocturnes saturées du parfum des jasmins de nuit, qui adopte une modernité d'inspiration occidentale avec enthousiasme.

L'AUTEUR : Compositeur et chef d'orchestre thaïlandais de renommée internationale, S. P. Somtow est né à Bangkok en 1952. C'est également un écrivain très prolifique (science-fiction, horreur) récompensé par plusieurs prix littéraires.

Galant de nuit, roman d'apprentissage semi-autobiographique teinté de réalisme magique et d'érotisme, est l'½uvre-phare de sa production siamoise.
FICHE LECTURE : Galant de nuit
ஜ MON AVIS :

Pour commencer, je tiens à remercier du fond du c½ur les éditions Gope pour cet envoi, et merci aussi pour leur patience. Je fais toujours au mieux pour publier mes chroniques dans les temps, mais des fois... c'est un peu compliqué. En tout cas, merci à eux de s'être montrés aussi compréhensifs. Je vous encourage vivement à découvrir leurs parutions, qui sortent des sentiers battus et vous invitent à voyager dans l'Asie du sud-ouest de façon passionnante et... très particulière. En effet, les deux premiers services presse que j'avais reçus d'eux, Fille de sang et Bâton de réglisse, étaient profondément sombres et perturbants. Ils avaient marqué de façon indélébile la lectrice très innocente et sensible que je suis (ils continuent de hanter mes pensées d'ailleurs), et il faut avoir le c½ur bien accroché en les lisant, je vous le garantis. Avec Galant de nuit, mon expérience de lecture a été relativement différente. En effet, si ce titre-ci a lui aussi sa part d'ombre, il est cependant beaucoup plus lumineux que les livres évoqués précédemment. Il m'a apporté une belle bouffée d'air frais en comparaison des précédents romans que j'avais pu lire chez Gope éditions, qui étaient extrêmement intéressants et percutants mais également étouffants. Cependant, je retiens également de Galant de nuit un sentiment de moiteur, d'humidité asphyxiante, et pas seulement parce que j'ai lu ce livre culte au beau milieu de la période de forte canicule que nous avons traversée cet été. L'atmosphère dans laquelle le héros de l'histoire évolue est effectivement propice à la sueur, une sueur qui va se révéler pour notre héros/narrateur... somme toute libératrice. Je vais vous expliquer cela plus en détails dans quelques instants.

L'histoire de ce récit semi-autobiographique se passe à l'orée des années soixante en Thaïlande et l'on va suivre Justin, un jeune garçon anglo-thaïlandais âgé de douze ans qui depuis trois ans maintenant vit dans une superbe résidence avec sa famille très aisée, ses parents étant partis pour affaires à l'étranger. Ayant passé les premières années de sa vie en Angleterre, loin de cette nombreuse tribu siamoise qui est pourtant la sienne, on se rend compte qu'au bout de trois années à vivre parmi eux, Justin se sent encore exclu d'une certaine manière et a du mal à apprendre à véritablement les connaître. C'est in fine grâce à sa formidable arrière-grand-mère, dont le jeune garçon a été éloigné sans comprendre pourquoi pendant si longtemps, que Justin entamera la vie d'un enfant "normal", épanoui et embrassera enfin cette culture thaïlandaise qui sommeillait jusque là en lui, sans pour autant en renier sa passion invétérée pour la lecture et nous partageant au fil de l'intrigue ses immenses connaissances liées à ses innombrables lectures gréco-romaines et à son propre temps.

C'est justement ça que j'ai le plus aimé dans ce récit semi-autobiographique que nous livre S.P. Somtow : l'enrichissement qu'il nous procure. En effet, le lecteur reçoit beaucoup d'informations sur énormément de choses par des moyens divers et variés. Par exemple, j'ai beaucoup aimé les nombreuses et judicieuses notes de bas de page du traducteur. Je sais que cela agace beaucoup de lecteurs lorsque ces derniers doivent s'en référer à la fin de la page pour mieux comprendre le récit. Pour ma part, j'ai du mal à m'y faire lorsque je dois sans cesse me rendre à la fin des livres parce que les notes du traducteur et de l'auteur foisonnent de partout et sont donc impossibles à toutes reléguer en fin de chaque page. Dans les deux cas, cela coupe d'une certaine manière la fluidité de votre lecture, la dynamique de celle-ci. Loin de trouver cela embêtant avec Galant de nuit, j'ai au contraire trouvé que c'était fort ingénieux et que cela apportait un véritable plus au récit, les notes de bas de page se référant essentiellement aux noms thaïlandais des titres honorifiques au sein d'une famille et de la société, à la nourriture traditionnelle et aux rites religieux. Les traductions et les définitions claires et concises nous permettent ainsi d'ouvrir une fenêtre sur une culture totalement différente de la nôtre, sans pour autant qu'on en soit entièrement séparée. Le Bangkok que nous dépeint S.P. Somtow est en effet empreint d'occidentalisme : Justin est friand de péplums tout droit sortis d'Hollywood et a bien sûr baigné comme chaque enfant qui se respecte dans la culture Disney (la référence à Fantasia est tellement bien faite, pensée par un écrivain également chef d'orchestre en plus, j'ai juste adoré !) et à l'école, où il commencera à se rendre durant la seconde partie du roman, il côtoie beaucoup de caucasiens européens. Galant de nuit est une lecture qui nous apprend à la fois énormément sur les us et coutumes de la Thaïlande, qui nous fait sentir les odeurs de sa nature et de ses délices culinaires et qui nous donne à voir sa nature verdoyante et abondante, mais on reçoit également beaucoup d'informations sur les années soixante, époque où se passe le récit et où l'Amérique devient LA superpuissance incontestable qui impose son rêve et son soft power de Coca Cola, de baseball, de rock, de soul, de danses lascives, de beaux quartiers résidentiels et de belles piscines... La capitale de Bangkok, c'est à la fois ça : une modernisation et une urbanisation occidentales qui avancent à grandes enjambées, tout en cohabitant avec une campagne, une nature splendide et envoûtante qui n'existe nulle part ailleurs. J'ai adoré ce pluralisme identitaire de la Thaïlande, ce mélange de différentes cultures et de différentes couleurs, tout en conservant une certaine singularité et authenticité. Ce pays est à l'image de notre héros, qui a grandi en se nourrissant de culture antique européenne tout en restant fondamentalement lui-même : originaire de l'ancien Royaume du Siam. La Thaïlande est à Justin ce que les racines sont aux fleurs et inversement. Les deux sont inextricablement liés, on ne peut en effet pas renier d'où l'on vient, mais on peut se construire de toutes sortes de façons, en se nourrissant de tout ce que la vie nous donne et de ce que l'on en retient. C'est l'une des bien belles leçons que ce roman m'a apprises.

Comme je vous le disais précédemment, notre adorable héros est un grand amateur de péplums et il faut dire qu'à l'époque, ces derniers étaient légion : Ben-Hur, Quo Vadis, Les Dix Commandements, Cléopâtre ne sont que les ½uvres cinématographiques les plus légendaires d'un genre qui vivait alors un véritable âge d'or. Je vous invite à aller consulter la liste Wikipédia des péplums, c'est tout bonnement ahurissant. Mais le film doudou de Justin, celui qui l'inspire dans son quotidien, celui qu'il mange et qu'il respire tant il le connaît par c½ur, c'est Spartacus. De lire toutes les citations et références que Justin fait de/à ce chef d'oeuvre au cours du récit, de contempler ainsi, écrit noir sur blanc, son amour inconditionnel pour ce film mythique et tout ce qu'il lui inspire, cela m'a juste donné une envie folle de le voir de mes propres yeux et non plus de le vivre par procuration grâce à notre formidable héros, qui a tout de même réussi à me faire vivre une expérience de cinéma unique et à me donner les frissons sans pour autant que je vois véritablement le film en question ! J'ai d'ailleurs honte de ne jamais avoir vu ce film en vrai (du moins dans son intégralité), si vous saviez... Ce qui est certain, c'est que Justin voue une admiration sans bornes à Spartacus, au film comme à son héros éponyme. Cet esclave honorable qui décide de prendre son destin en main et de se battre pour ce qui lui semble juste va énormément apporter à Justin qui, dès lors qu'il va décider de mettre un pied hors de sa chambre et de ne plus rester constamment le nez dans ses lectures pourtant si passionnantes, va devenir le héros de son existence et avoir une bonne influence sur l'ensemble des personnages qu'il va croiser. Le fait d'observer ce qu'il se passe autour de lui et de devoir agir, quitte à faire des erreurs, va permettre à Justin de grandir et de décider quels combats il a envie de mener. L'un d'entre eux, celui qui constitue le c½ur de la seconde partie du roman, va se dérouler en milieu scolaire sous la forme d'une pièce de théâtre écrite par notre remarquable et si brillant héros lui-même. Je ne vous en dis pas plus sur cette pièce car il faut que vous en alliez voir la première par vous-même. Qui plus est, l'auteur nous fait la gentillesse de nous inviter à assister aux répétitions rocambolesques au cours du récit et ça a été un pur régal que d'en être le témoin privilégié ! Je vous promets beaucoup de fous rires et un sourire attendri qui se dessinera sur vos lèvres aussi face à tant d'ardeur et de solidarité entre eux de la part des jeunes élèves et de leur formidable maîtresse. Et surtout, la pièce de Justin passe un message très important de tolérance et d'humanité alors soyez à l'écoute et accordez-lui l'attention qu'il mérite.

Honnêtement, je dois bien vous avouer que, pour moi, le roman démarrait mal. Enfin, il m'a captivée d'emblée mais la mort du caméléon bien aimé de Justin (ceci n'est pas un spoil) m'a franchement dégoûtée. Surtout que cela aurait largement pu être évité. Je n'y croyais presque pas et surtout, j'ai trouvé cela extrêmement brutal. La mort symbolique de l'enfance de Justin n'aurait pas pu être plus claire, alors que le départ de la nourrice de ce dernier, Samlee, juste avant ce tragique événement nous faisait déjà comprendre que Justin devrait aller voir et explorer au-delà des murs de la confortable et luxueuse demeure familiale afin de chercher des réponses à ses questions et de surmonter son double chagrin. In fine, je me rends compte que ces deux ruptures dans la vie jusqu'alors paisible et douillette, presque léthargique, de notre jeune héros étaient nécessaires. Cela va le pousser à faire des rencontres décisives dans son existence, à commencer par celle avec son arrière-grand-mère, que j'ai mentionnée plus tôt. Je pourrais vous parler pendant des heures de cette femme extraordinaire, de sa sagesse, de son humour aussi et de tout ce qui la rend spéciale et inoubliable. Telle une étoile filante dans le firmament de la vie de sa Vénérable petite grenouille, je regretterai toujours que ces deux destins ne se soient pas croisés plus tôt alors qu'ils vivaient sous le même toit. Pourtant, l'amour si puissant et évident entre eux a toujours été là, leur merveilleuse et instantanée complicité lors des quelques moments fondamentaux et fabuleux qu'ils vivront ensemble en atteste. Je ne remercierai jamais l'arrière-grand-mère pour tout ce qu'elle a fait pour Justin, pour lui avoir révélé tout ce qu'il a de précieux en lui. A certains moments, Justin va se sentir impuissant face aux sentiments de jalousie et de chagrin qu'il éprouve face aux nouveaux amis qu'il va se faire et qui sont plus beaux extérieurement et plus hardis que lui, moins renfermés et "innocents", si vous voyez ce que je veux dire. Étant donné que ces derniers sont d'une classe sociale nettement inférieure à la sienne, il va se servir de la dévotion due à sa famille et de la place très importante qu'il occupe dans cette dernière (les enfants étant vénérés en Thaïlande) pour se défendre, se construire une carapace solide. Ce n'est guère très intelligent, je le sais, et Justin en est immédiatement conscient également. Il va très vite réaliser que sa richesse ne se trouve pas là, dans l'opulence qu'affichent les siens, mais bien ailleurs, dans ces liens qu'il va tisser avec ses nouveaux amis et camarades de classe, dans ce qu'il va créer avec eux, cette pièce de théâtre tout bonnement incroyable, dans le regard qu'il porte sur le monde. Au fil de son avancée dans la propre aventure de son existence, Justin va faire fi des conventions sociales, de la couleur de la peau et même des comportements racistes. Il va prendre conscience qu'il ne faut certes pas les tolérer afin de se faire bien voir et accepter de la masse, mais que ces façons d'agir ignobles, notamment venant des enfants, ne sont pas instinctives mais s'apprennent, aussi horrible cela soit-il. Cela vient de l'éducation que les parents transmettent à leur progéniture, d'une histoire qui s'est construite au fil des siècles et qui est inscrite dans nos gênes, dans notre mémoire collective, peu importe quelles sont nos origines. Cette histoire, c'est celle des esclaves, des colons, des minorités, des dominants et des dominés, des guerres de territoire, entre peuples, au sein d'un même peuple, qui laissent des traumatismes ravageurs à ceux qui les ont directement vécues et un sentiment de confusion et de vide pour ceux qui héritent du récit de ce passé qui ne passe résolument pas. Justin va quant à lui tenter de changer les choses, de ne pas les laisser en état car il sait que ce n'est pas bon, pas juste, que cela fait du mal à tout le monde et qu'il est temps que cela cesse. Je vous le dis, ce héros est d'une intelligence hors du commun, d'une grande lucidité aussi. Il apprend véritablement de ses erreurs et réunit ceux qui ne pensaient jamais bien s'entendre, qui pensaient ne pas faire partie du même monde, alors que si, nous sommes tous un. On ne peut pas mettre de barrières ou d'½illères à l'humanité, celle-ci est indomptable et elle voit avec le c½ur.

En plus de traiter de racisme et de discrimination éthique et sociale avec beaucoup de justesse au travers des personnages très touchants que sont Virgile, Piet, Wilbur et [P], l'auteur aborde aussi la question de la condition de la femme. Ce qu'il est très intéressant de constater, c'est que l'arrière-grand-mère de Justin, doyenne de la famille, reçoit tout le respect et les honneurs qui lui sont dus en fonction de son âge qui lui confère la position de grande cheffe de la lignée mais sinon, les autres femmes présentes dans le roman doivent subir le système patriarcal et se jugent constamment entre elles par rapport au regard que les hommes, qu'ils soient de leur famille ou non, portent sur eux. Il y a à la fois cette dénonciation de la femme perçue comme un objet sexuel, de désir de l'homme ou de future mère et épouse tout en nous dépeignant des personnages féminins qui sont justement forts, qui ont une importance cruciale dans l'histoire, une véritable personnalité qui leur est propre, et qui doivent subir cette façon de penser rétrograde et ces m½urs injustes. Quand je parle de personnages féminins marquants, je pense bien sûr à Samlee, la servante de la famille qui était en charge du bien-être de la Vénérable petite grenouille et qui a dû quitter son poste de force car elle a tapé dans l'½il d'un des oncles de Justin, qui occupe une place de première ordre au sein de leur hiérarchie familiale. Cela m'a tuée de voir ainsi Samlee perdre de son naturel en commençant à se barbouiller le visage et en se pomponnant à la mode occidentale dans le but de plaire à cet homme, de continuer à être sa favorite, notamment au lit, et prier ardemment pour qu'elle puisse être capable de toujours le satisfaire en quoi que ce soit. Justin, lui, aimait sa nounou telle qu'elle était, avec sa beauté sans fards ni artifices, et on lui a enlevé cette dernière sans ménagement. Mais que pouvait faire Samlee ? Elle n'a pas d'autre moyen de gagner de l'argent, il lui est désormais interdit de prendre soin de sa Vénérable petite grenouille qui, qui plus est, est en train de grandir et n'aura donc plus besoin d'elle. Sa vie dépend de ce que la famille de Justin veut bien lui donner. J'ai trouvé cela juste affreux que Samlee doive ainsi se complaire aux ordres et désirs de l'oncle de Justin et en même temps, j'ai senti qu'elle n'avait jamais cessé d'être fidèle à qui elle était vraiment ; malgré la soumission et l'angoisse de ne plus gagner son pain dignement, elle est d'une grande force mentale et spirituelle. Je l'admire beaucoup pour cela.

Et bien sûr, je ne pouvais pas conclure cette chronique sans consacrer un paragraphe aux trois tantes de Justin ! Je garde le meilleur pour la fin mes amis, impossible de ne pas vous parler des Trois Parques ! Je pense qu'aucun surnom n'aurait pu être mieux approprié que celui-là. En effet, si on nous dit dans le résumé que les trois tutrices de notre héros sont jeunes, on a vite tendance à l'oublier tant leur apparence froide et guindée nous donne l'impression que leur âme est millénaire ! Mais ne les jugez pas trop vite car ce sont bien ces trois-là qui vont vous faire vivre les plus palpitantes et abracadabrantes des péripéties ! J'en pleure encore de rire rien que d'y penser ! Nit-Nit est sûrement la tante parmi les trois qui m'a le plus plu. J'ai eu envie un nombre incalculable de fois d'entrer dans le roman pour lui faire un énorme câlin tant elle manque de confiance en elle à cause de son apparence replète alors que, pour ma part, je la trouve rayonnante et magnifique telle qu'elle est. Des trois s½urs, la cadette est certainement celle qui a le meilleur fond et dont le c½ur déborde le plus de tendresse pour notre héros. Par ailleurs, j'ai adoré la complicité si évidente qui transparaît entre Nit-Nit et son petit neveu chéri. Ils forment vraiment un super duo ! Noï-Noï, la benjamine, est sûrement à mes yeux celle qui a le moins de caractère et de personnalité des trois : étant celle qui incarne le plus l'idéal de beauté féminin, elle est l'exemple parfait de la belle ingénue qui se tait, rôle qu'incarne d'ailleurs Samlee auprès de l'oncle de Justin et que Noï-Noï lui envie férocement. J'ai trouvé cela triste d'avoir des aspirations si baisses mais Noï-Noï est victime de son temps, une époque où les femmes sont encore loin d'être aussi émancipées qu'aujourd'hui, et si on rajoute la conception qu'ont les Asiatiques de la femme, gracile et vertueuse (pensez à la chanson Honneur à tous de Mulan, ça vous fera un joli petit topo), on est encore moins sortis de l'auberge. La séduction est l'unique arme de Noï-Noï et cette dernière l'a aiguisée au point d'en être aussi sournoise qu'une vipère. Je lui ai pardonné son attitude blessante et pathétique au fil du temps. Elle n'est qu'une victime d'une société profondément dysfonctionnelle. Enfin, Ning-Nong était au départ celle qui me paraissait la plus antipathique, revêche et insensible. Ce n'est qu'à la fin que je me suis rendue compte qu'elle tient en réalité énormément à ses deux s½urs un peu sans cervelle parfois à cause de leur rivalité en amour (d'ailleurs, on en parle de cet incompétent et insupportable Dr Richardson ? Je ne préfère pas m'épancher sur un tel énergumène...) et elle ne va pas hésiter à se sacrifier pour elles deux. Étant l'aînée, la tradition veut que ce soit elle qui doit se marier la première afin de ne pas jeter l'opprobre sur ses plus deux jeunes s½urs. In fine, Ning-Nong est celle qui a le plus de bon sens et de jugeote, ainsi qu'un respect du devoir familial qui l'honore. Encore une fois, on a affaire à un personnage de femme qui doit ployer sous le poids de la soumission au soi-disant "sexe fort" et de la réputation immaculée qu'une femme se doit d'avoir en son temps et dans un tel pays. Mais, malgré le fait que Ning-Nong doive courber l'échine, elle parvient à le faire la tête haute et avec une dignité intacte. Chapeau bas Madame.

Je me rends compte qu'in fine, je ne vous ai pas parlé des pulsions sexuelles de nos jeunes adolescents. En effet, qui dit Bildungsroman dit personnage principal qui se forme, qui grandit, et qui apprend donc notamment à embrasser ses désirs et à découvrir sa sexualité, à écouter des hormones qui grondent en lui et qui le rendent tout chose. Ce côté érotique du roman, tant chez les adultes que les enfants, aurait pu totalement me refroidir étant donné mon aversion pour la chose, or il n'en fut rien. Certes, cela peut vous donner un sentiment désagréable de voyeurisme en assistant à de tels instants d'intimité mais cette gêne s'envole vite pour laisser place à un sentiment grisant d'harmonie, de communion pure avec les personnages (qui le sont déjà entre eux, si vous voyez ce que je veux dire). Je conclurai donc en disant que ma dernière découverte fut celle de la signification du titre du roman. Autant la précédente appellation française me semblait tout à fait appropriée, autant la nouvelle... Je ne comprenais franchement pas. Puis j'ai découvert que Galant de nuit faisait référence à un brin de jasmin qui ne fleurit qu'à la nuit tombée et dont l'odeur est extrêmement entêtante (d'où le titre anglais Jasmin Nights aussi). Tout s'est alors fait jour dans ma tête. Ce brin de jasmin est caractéristique de cette Thaïlande envoûtante où ce roman m'a fait voyager, de ces instants d'anthologie que j'ai vécus avec ses personnages et où je me suis franchement demandée si je n'étais pas en train de planer tant j'avais la sensation d'en avoir pris de la bonne. Eh bien, je peux vous dire que Galant de nuit est une drogue tout ce qu'il y a de plus recommandable : elle vous fera vivre des moments d'onirisme initiatiques fous, elle vous fera rire et réfléchir, elle vous emmènera vers de nouveaux horizons, dans une nature luxuriante qu'il devient vite difficile de quitter. Alors, parés pour la grande aventure de la vie de Justin ?

Nanette ♥

FICHE LECTURE : Galant de nuit
★★★★(★)
Un très bon roman d'apprentissage qui nous invite à regarder au-delà de nos frontières et à nous immerger dans une culture différente de la nôtre, dans un autre temps.

« Je ressens une terrible injustice dans ce monde, mais je n'ai pas le pouvoir de faire changer les choses. Le dharma du cosmos est perturbé. Je ne peux pas être le seul à l'avoir remarqué, sûrement pas... Pourtant, j'ai l'impression d'être seul. Même Virgil, contre qui ces injustices ont été perpétrées, les accepte comme une fatalité. C'est pourquoi il s'est enfui à la piscine, pour échapper aux Blancs ; c'est pourquoi il ne s'est pas défendu lorsqu'on a voulu le lyncher ; c'est pourquoi il ne fera rien pour défendre le droit d'être traité comme un être humain. Les coups de fouet de l'Irlandais l'ont marqué lui aussi, même si son arrière-grand-mère est enterrée depuis plus de cent ans dans cette terre étrangère de Géorgie, à des années-lumière du roi Shango.
Mais que puis-je faire, moi, le dramaturge vêtu d'un plumage d'emprunt ? Ma propre ineptie me tourmente. »
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#Posté le mardi 02 octobre 2018 04:39

Modifié le samedi 22 décembre 2018 15:58

FICHE LECTURE : Fille de sang

FICHE LECTURE : Fille de sang
• AUTRICE : Arounwadi.
• ANNÉE : 1997 (THAÏLANDE) ; 2015 (FRANCE).
• GENRE(S) : Horreur psychologique.
• THÈMES : Drame, noirceur, traumatisme, enfance déchue, maltraitance, violence, sang, désarroi, environnement malsain, drogue, seringues, mal-être, pulsions suicidaires, haine, Thaïlande...
• PAGES : 224.

Une jeune provinciale d'à peine vingt ans paie le prix d'une enfance et d'une adolescence misérables.
Pour se venger des sévices, privations et humiliations qu'elle a subis, pour implorer des bribes de tendresse de la part de parents qui rejettent son amour ; son père militaire qui la répudie ou, au mieux, la brutalise ; sa mère, qui change d'homme comme de sarong et se défoule sur elle de ses frustrations ; et par esprit d'autodestruction et en se calquant sur la cruauté ordinaire du monde rural qui l'entoure envers les animaux domestiques : de dope en perf, de fil en aiguille, cette provinciale joue avec son sang. Un récit peuplé de types humains criants de vérité. Un texte dérangeant, au style musclé, au verbe dru, qui donne de la Thaïlande de tous les jours une image authentique à mille lieues des clichés touristiques.

L'AUTRICE : Arounwadi n'avait pas tout à fait vingt et un ans lorsqu'elle a publié ce premier roman, en 1997. Enseignante dans une organisation d'aide aux anciens combattants, à Bangkok, elle a depuis écrit une douzaine d'ouvrages.

ஜ MON AVIS :
Cette chronique sera très particulière. Tout d'abord, un grand merci aux éditions Gope de m'avoir fait cette recommandation de service de presse. Alors que je leur avais suggéré un autre ouvrage, ils ont su cerner mes attentes de lecture et m'orienter vers ce titre, qui célèbre cette année ses vingt ans. Un anniversaire sous le signe du macabre et de la désolation la plus totale. En 1997, Arounwadi, jeune Thaïlandaise de vingt-et-un ans à peine, trouve le courage au plus profond d'elle-même de faire publier son texte, intitulé Fille de Sang (écrit en quinze jours en plus, omg). Je n'ose imaginer à quel point sa rédaction a dû être laborieuse et assimilable à un chemin escarpé aux rochers saillants telles des lames de couteau bien aiguisés. Lorsque je me disais que cette autrice avait seulement un peu plus que mon âge, à cette époque lointaine où je n'étais pas encore conçue, quand elle a eu l'audace, la force d'âme et le cran de faire paraître ce roman glaçant et à l'impact d'un coup de poing en pleine figure, je peinais à y croire. C'était inouï. Je remercie encore une fois sincèrement Gope d'avoir eu du flair, et un sacré, en me proposant cette parution avec moins de testostérones et une vision plus d'âge mûr, mais qui n'a pas manqué de me provoquer des sueurs froides, qui ne me quittent plus. Âmes sensibles s'abstenir, vous êtes prévenus.

Ce livre, c'est l'histoire d'une Thaïlande cachée derrière un sourire. Un sourire figé, qui devient vite fat, aigre, qui suppure l'hypocrisie et une réalité que l'on ne soupçonne même pas d'exister. En parcourant cette intrigue de bout en bout, j'ai eu la sensation qu'il s'agissait d'une jeune femme au sortir de l'adolescence, fantôme de l'Arounwadi de 1997, d'une génération antérieure, qui s'adressait directement à une autre jeune femme au sortir de l'adolescence, en l'occurrence moi, votre dévouée Servante. La connexion s'est instantanément établie entre la fille au c½ur fissuré, qui a saigné des larmes douloureuses pour donner corps à son roman, et entre celle dont l'organe vital est encore intacte, innocent, pur, mais plus pour très longtemps. En effet, Fille de Sang fait partie de ces lectures qui ne vous laissent pas indemnes. On en ressort hébété, changé à tout jamais, le prisme à travers lequel je voyais l'existence s'est terni et s'est taché de gouttes de sang rouille, dont la saveur salé s'est évaporée à force de sécher, réminiscence d'un mal-être insoutenable. Chaque page m'a fait mal, m'infligeait une souffrance supplémentaire. Deux cent vingt, c'était bien assez pour le calvaire. Calvaire nécessaire cependant, vous noterez bien. J'ai eu mal à mes veines, et je vous le dis de façon très juste.

Comme toujours quand je commence la lecture d'un énième ouvrage de ma Pile à Lire longue comme mon bras (quoique, j'avance bien, je suis fière de moi), prends un plaisir qui m'est propre à analyser les premières de couvertures AVANT et APRES ma lecture. Vous vous en doutez, le après est particulièrement intéressant car il éclaire la couverture d'un jour nouveau. Ici, le gris est une couleur qui s'impose, qui prédomine : toute l'atmosphère du roman en est imprégnée de la première ligne jusqu'à la dernière, à tel point que je me suis rendue compte avec pertes et fracas que durant toute cette aventure livresque, j'avais l'impression que la pluie me tombait dessus sans arrêt, ou bien que le ciel était d'un gris opaque déprimant, ne laissant jamais le soleil bienveillant de sa chaleur percer. D'ailleurs, à un moment de l'histoire, l'héroïne, dont on ne connaîtra jamais le nom (est-ce pour créer une meilleure connivence avec le vécu de l'autrice elle-même ?), a l'impression qu'un soir de pluie, cette dernière fait exprès de concentrer toute son averse sur elle, la transperçant jusqu'aux os. Cet effet de froid, d'inconfort, d'abandon et de destin qui s'acharne sur vous sans vous octroyer ne serait-ce qu'une parenthèse de répit, cet effet-là va perdurer au fur et à mesure qu'on va suivre l'héroïne face à ses humiliations et maltraitances constantes, jusqu'à sa descente aux enfers qui va être la goutte de sang qui va faire déborder le vase.

Les ratures en noir, qui donnent à la couverture un aspect négligé, presque comme si on avait voulu la saccager de rage ou en cacher le motif, représentent la peau de l'héroïne saturée de piqûres d'aiguilles, de sang versé, de coups donnés à ce corps habité d'un esprit malingre et ingrat, cette enveloppe corporelle expulsé par la mère, la mère malade d'avoir donné la vie à un petit corps parfaitement formé qui ne lui a pas laissé l'opportunité de le tuer dans l'½uf grâce à l'avortement. Ce corps normalement constitué, presque beau, que la vie lui a donné, notre jeune fille va tout faire pour le détruire, en faire sortir un flot continuel de sang, source de sa joie. Elle va lui faire des injections, lui faire fumer de la hasch et cigarettes sur cigarettes. Après tout, ce corps est complètement non désiré de toute part au sein de la famille, elle, son propriétaire, en tête de peloton, alors à quoi bon ? Les cheveux relevés en chignon, les oreilles et les doigts un tant soit peu sertis d'ornements afin de se voiler la face à l'école secondaire, d'arborer un semblant de normalité, notre narratrice a grandi avec un vide au fond du c½ur. Un vide ayant besoin d'être comblé. De sang. Une fosse s'est creusée au fil des années et est devenue une abysse, faisant place nette à des méandres de noirceur, d'amour non-réciproque, d'un noyau familial disloqué et malsain jusqu'à la racine, d'une place dans ce bas monde vacillante, voire nulle et non avenue. La narratrice manque, à chaque pas qu'elle entreprend sur cette terre, de vaciller, de tomber dans le gouffre de ses angoisses, dans le Néant avec rien derrière le rideau noir qui le recouvre. J'ai par ailleurs senti mes propres pieds partir en vrille, mes orteils me titiller face au danger imminent et qui s'ouvrait telle une gueule du loup. Ce qu'il manquait à notre jeune personnage en perdition, c'est une branche à laquelle se raccrocher à la vie, à un espoir sous-jacent et qui donne la force d'avancer. Seulement voilà, l'arbre est pourri, ses fruits rongés de vers et moisis, ses branches pendantes et sans la moindre feuille, comme sur la couverture. Un arbre né de la graine de la haine, de l'indifférence et de l'ignominie. Comment croître sur un sol stérile, aride de compassion, de tendresse et d'un brin d'humanité ? Ainsi, notre héroïne a évolué au milieu des mauvaises herbes, malveillantes, grinçantes, racornies et qui vous donnent de l'urticaire. A quoi cela sert-il de vivre, dès lors ?

Je vous pose la question car elle ne cesse de me hanter l'esprit depuis que j'ai refermé ce livre sur un son sourd, résonance de la vie dénuée de tout moment de bonheur, de sérénité et de réconfort de son personnage principal. Je me suis sentie pénétrer dans sa peau, entrer dans sa tête. J'ai senti les coups donnés à répétition, comme autant de cris de rage, de désespoir, de révolte face à cette vie injuste et compliquée, qui n'en fait qu'à sa tête, et qui nous laisse toujours mal accompagné, que ce soit par les autres autant que par soi-même. Ces gifles, ces poings valdinguant qui martèlent le corps, qui prend alors la couleur bleutée d'un Schtroumpf, ces cheveux pris par poignées par une main de fer pour vous traîner sur le sol telle une poupée de chiffon, ces coups de bâtons rêches et cinglant votre visage d'une marque rouge indélébiles, autant de gestes qui comportent une lassitude pesante envers cette vie, ces personnes qui vous environnent, qui ont comme un goût de lait caillé, ou plutôt de sang tout frais qui sort de la source. Vous vous forcez à le boire, ce sang immonde, car la douleur est la seule chose qui vous permette d'éprouver encore votre existence. Pour elle, vous vous devez de le faire. Sinon, qu'adviendrait-il de vous ? A quoi cela servirait-il de vivre, bon sang ? Pour citer l'autrice, on peut lire sur la quatrième de couverture : « La douleur fait partie de la vie, elle n'est nullement un divertissement de l'âme. » La douleur mérite d'être ressentie et exprimée. "That's the thing about pain. It demands to be felt.", comme le dirait un de mes auteurs favoris, John Green. Aux yeux de la narratrice de cette désastreuse aventure, cette peine infligée à son corps d'en extraire le sang, comme on extrairait la graisse d'un animal pour l'utiliser, afin de se divertir la vue et d'appliquer un baume à son c½ur meurtri, en réalité cela est indissociable de son être, de sa façon de vivre et de concevoir la vie.

Malgré les brimades qu'elle subit et qui pourraient nous faire courber l'échine dès le premier manque d'affection, la remarque blessante ou le silence assourdissant de mépris et de ranc½ur, l'héroïne ne va jamais véritablement en vouloir à ses proches. Certes, elle va vouloir à tout prix comprendre la raison perverse du chagrin perpétuel qu'est son cheminement sur cette planète si grande et pourtant si étriquée à travers ses yeux au regard entièrement différent du nôtre, elle va ressentir de la colère, de la jalousie, du désarroi, une envie ardente de hurler de tout son soûl pour briser les barricades érigées entre elle et le monde entier, cette paroi qui la sépare de ses proches et de tous les autres, comme si elle n'était qu'un esprit égaré. Cependant, toute cette amertume va se retourner contre elle-même. C'est elle qu'elle déteste par-dessus tout, qu'elle ne peut pas voir en peinture, qui lui donne la nausée. Source de cette impériale affliction permanente. Alors qu'au cours de ma lecture, je tempêtais contre ce père abjecte, qui a autant de maîtresses que de chemises, personnification même de la violence et de sa stupidité hors normes, esprit cruel et buté, qui n'a jamais voulu reconnaître son second enfant, l'empêchant de ne pas être orphelin de père, croyant lui faire une faveur en l'élevant après une dizaine d'années d'existence, couvant l'aînée, la s½ur hermétique et déjà loin, yo-yo continu, de baisers, caresses et autres marques de tendresse suffisant à vous combler ; contre cette mère, qui soi-disant se bat contre vents et marées pour son vilain petit canard en lui procurant de l'argent par le biais d'hommes au masochisme exacerbé ou à la gentillesse trop latente et encline à la faiblesse, cette mère qui n'a jamais donné de véritable câlin à son enfant, ne l'a jamais serré contre son c½ur, lui fait des scènes de ménage grotesques et à peine crédibles afin de tout ramener à elle et de se convaincre qu'elle est une bonne mère. Je hurlais face à ces imbéciles, qui n'ont pas un seul instant ouvert les mirettes face au spectacle navrant de leur enfant malade, malade de vivre, au c½ur exsangue de n'avoir jamais été aimé et entendu, au sang drainé comme autant de petits morceaux de son âme. J'aurais voulu me jeter au cou de la narratrice, l'entourer de mes bras frêles et tremblotants au vu de cette situation révoltante et crève-c½ur. Lui dire qu'on va prendre soin d'elle et de son âme cassée, de ses pensées tordues, perverties par l'amour du sang qui s'égraine, qu'on va enfin l'aimer de toutes nos forces, ne pas l'abandonner à elle-même et lui rejeter sans arrêt la faute. Malgré ce qu'elle a enduré, elle ne cessera jamais d'aimer ce père indigne, d'honorer sa personne, de le contempler avec déférence comme tout enfant qui se respecte. Elle voudra protéger sa mère des injures et commérages des vilaines gens du coin. Alors que ces deux piliers de la vie d'un enfant constituent autant de lianes glissantes, empoissonnées d'un venin mortel et dont on devrait éloigner toute idée de leur faire confiance, de s'y reposer et d'y accorder notre foi, elle s'y accrochera d'une force redoublée, parce qu'ils sont tout ce qu'elle a. Sinon, à quoi servirait-il de vivre alors ?

Concernant la plume de l'autrice, elle est incisive et ne mâche pas ses mots. Au contraire, ces derniers ont été savamment pesés, et marinés dans un bon breuvage de sang au sein du cerveau d'Arounwadi. Chaque phrase sonne telle une sentence irrévocable, chaque mot s'incruste dans votre chaire et y fait de beaux dégâts. Il semblerait que l'autrice ait pris dans ses mains ce qui faisait le matériau même de son c½ur, visqueux, poisseux, de cette réalité thaïlandaise qu'elle côtoie à chaque jour qui passe (ceci est inspiré une histoire vraie, bonjour), puis qu'elle l'ait malaxé et sculpté son roman dans cet argile particulièrement sanguinolent et dont la tristesse, la dureté incommensurable ressort de chaque pore. Le c½ur est un lourd fardeau à porter, Arounwadi s'en est délestée dans son roman qui incarne son boulet de canon ferré à la cheville, cette effarante réalité, immuable et que l'on voudrait pourtant contourner, se débarrasser d'une pichenette ; telle est sa Croix, jusqu'à la fin de ses jours. Pour ma part, j'ai su grandement apprécié cette écriture percutant, d'une immense maturité et d'un sang froid (j'ai pas fait exprès) imperturbable, qui ne permet aucune concession et qui vise droit sa cible. Le c½ur en est frappé à chaque étape, chaque moment marquant noir sur blanc de la vie de la narratrice, qui n'a eu le droit à aucun cadeau de la part de celle qui l'a véritablement enfanté de son sang coagulé. Serait-ce un énième reflet d'une souffrance éprouvée qui a besoin de paraître au grand jour ? Ou dans le bain de lumière d'une lune de sang ?

Pour conclure, je recommande ce roman à des personnes ayant le c½ur et l'estomac bien accrochés. Vous aurez compris que Arounwadi ne fait pas dans la dentelle et cela n'est pas joli-joli à voir. Si vous vous attendez à une immersion au c½ur d'une Thaïlande digne de carte postale, prête à vous accueillir avec le sourire, détournez votre regard et passez votre chemin. Car, à la commissure des lèvres de cette peuplade provinciale que nous présente l'autrice, se cache une bile noire insoupçonnée ; elles ont vite fait de s'affadir et d'en devenir pâteuses et peu avenantes. Cet ouvrage, ce n'est pas le guide Michelin de l'ancien pays du Siam. La Nature n'y est pas portée en pâmoison et, si l'on vous acclimate aux traditions culinaires de la campagne avoisinante et des patelins du coin, c'est pour mieux en égorger les cochons et écraser les têtes infortunées de pauvres poulets. Les rats et les grenouilles ne seront pas en reste à cause d'oiseaux carnivores absolument répugnants, et pour ce qui est des chiens, meilleurs amis de l'Homme... C'est une autre affaire. Pour les défenseurs de la cause animale, votre sang n'en fera qu'un tour et l'envie de vous insurger vous prendra rapidement à la gorge, malgré la suffocation que ces scènes barbares, tant envers l'être vivant que l'être spécialement humain, feront naître. Animaux maltraités à outrance sont mis en parallèle avec les âmes torturées que nous sommes, dans un décor sombre, avec des personnages à peine esquissés. Pas de visage aux contours définis, pas de couleurs, pas de distinction. Tous des monstres. Ce roman est paru en 2015 mais le fait que je l'ai lu en 2017 sonne d'autant plus le glas macabre du honteux vingtième anniversaire. Et cette ultime question demeure, inébranlable : « A quoi ça sert de vivre ? » (vous avez quatre heures). Dans tous les cas, je suis toujours debout après la tornade Arounwadi, dont j'ai définitivement envie de lire ses autres romans, et c'est un coup de c½ur ♥ sacrément battant et vivace qui s'est déclaré. Cependant, je déplore certains dommages collatéraux : plusieurs petits morceaux en ont été retrouvés sur le bord de la route, des minces lambeaux d'une certaine couleur rouge...

« Aussitôt qu'il apparaît dans l'encadrement de la porte, "M'man, papa est là !" je m'écrie, toute excitée. Puis ma joie sur-le-champ laisse la place au désespoir. Papa me toise d'un air glacial. L'aversion dans ses yeux est évidente. Il dit d'une voix forte "C'est qui, ça, 'papa' ?"
Il dépose ses colis puis grimpe à l'étage, me laissant plongée dans toutes sortes de réflexion. Quel crève-c½ur ! Alors, comme ça, j'ai encore fait faux ?»
Tags : Fiche Lecture, Fille de Sang, Service Presse, éditions Gope, Arounwadi, Thaïlande, 1997, roman d'horreur psychologique, Drame, noirceur, traumatisme, enfance déchue, maltraitance, violence, sang, désarroi, environnement malsain, drogue, seringues, mal-être, pulsions suicidaires, haine, coup de coeur ♥
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#Posté le mercredi 11 octobre 2017 14:20

Modifié le dimanche 15 octobre 2017 07:15

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