
• AUTRICE : Jen Wang.
• ANNÉE : 2017 (GRANDE-BRETAGNE), 2018 (FRANCE).
• GENRE (S) : Bande dessinée.
• THÈMES : Récit historique, LGBTQ+, acceptation de soi, transgenre, amour, complicité, confiance en soi, loyauté, amitié, soutien, couture, passion, rêves, espoir, royauté, famille, peur, révélation, mode, crise identitaire, stylisme, Paris, Ville lumière, secret, popularité, reconnaissance, travestissement, tendresse, douceur, sublime, libération...
• PAGES : 284.
Le prince Sébastien cherche sa future femme, ou plutôt, ses parents lui cherchent une épouse... De son côté, Sébastien est trop occupé à garder son identité secrète à l'abri des regards indiscrets. La nuit, il revêt les tenues les plus folles et part conquérir Paris sous les atours de l'époustouflante Lady Crystallia, l'icône de mode la plus courue de toute la capitale !
Sébastien a une arme secrète : sa couturière, Frances, une des deux seules personnes à connaître son secret, et sa meilleure amie. Mais Frances rêve de s'accomplir par elle-même, et rester au service du prince lui promet une vie dans l'ombre... pour toujours. Combien de temps Frances supportera‑t-elle de vivre dans le boudoir de Sébastien en mettant ses rêves de côté ?
Tout d'abord, on n'en oublie pas les bonnes manières : un merci gros comme ça (fait un c½ur avec ses mains devant son écran) aux éditions Akiléos de m'avoir fait confiance. Je ne le répéterai jamais sûrement jamais assez mais cela vaut tout l'or du monde à mes yeux. Ensuite, je vous laisse le soin d'admirer la beauté de cet ouvrage qui allie beau-livre de qualité et bande dessinée magnifique à la perfection. Tout l'art des éditions Akiléos il semblerait. D'autant plus que, dans le cas présent, les dessins de Jen Wang sont aussi sublimes à contempler que l'histoire qu'elle nous raconte est sublime et très enrichissante à lire. Je suis ravie d'avoir pu découvrir le talent magique et somptueux de cette autrice/scénariste/illustratrice grâce à ce livre que je suis extrêmement fière de posséder qui plus est.
L'histoire se passe à la fin du dix-neuvième siècle, dans la Ville-Lumière, alors que celle-ci vit un chamboulement total et est en pleine ébullition durant cette période haussmannienne. Paris commence alors à se parer de son charme si légendaire et irrésistible et les grands magasins fleurissent à tous les coins de rue, émerveillant la bourgeoisie enthousiasmée à l'idée de faire des emplettes et annonciateurs de la naissance de notre actuelle société de consommation (par ailleurs, lisez Au Bonheur des Dames, c'est un roman tout bonnement fabuleux ! J'étais obligée de faire de la pub pour Zozo, héhé !). Dans cette ville qui ne dort jamais vraiment, une rencontre tout à fait impromptue et presque miraculeuse va permettre à Jen Wang d'aborder des thématiques et des sujets extrêmement forts qui ne peuvent que nous parler et résonner à notre époque contemporaines, le tout en situant son intrigue à une époque autre, aux m½urs et aux esprits beaucoup plus étriqués et rétrogrades que les autres (même si Jen Wang nous rappelle justement que nous avons encore du chemin à parcourir vers un monde plus juste et où il fait mieux vivre), mais aussi à l'esprit d'innovation et à l'évolution qui se déroule à vitesse grand V sacrément impressionnants. J'ai trouvé cela très intelligent de sa part, d'autant plus que le sujet central de son oeuvre se trouve être la transsexualité.
L'un des deux personnages principaux, Sébastien, va en effet se trouver en proie à un terrible dilemme. Il aime en effet à la fois être le prince héritier du trône de son pays, la Belgique, être celui qui rend si fier ses royaux de parents qui le lui montrent bien... et en même temps, il se sent femme. Je me suis très rapidement attachée à ce garçon très touchant qui ne veut faire de mal à personne, qui ne veut en aucun cas déranger, juste être pleinement lui-même, sans que cela ne blesse autrui, à commencer par ses géniteurs, qui lui rendent au centuple tout l'amour et le respect qu'il éprouve pour eux. Et en quoi cela devrait-il être un problème pour lui d'être ce qu'il est, d'embrasser sa féminité intérieure et de la faire rayonner aux yeux de tous tout en étant un homme ? Vous avez quatre heures. Plus sérieusement, j'ai ressenti beaucoup de tristesse pour Sébastien en le voyant afficher une apparence de façade afin de mieux supporter la réalité. J'ai trouvé cela tellement injuste qu'il ne puisse pas être honnête et exprimer ce qu'il ressent au fond de lui par peur de se retrouver brisé à cause du désarroi et du rejet d'autrui. Heureusement, le prince ne fait pas de distinction entre les gens de son milieu et ses domestiques ; au contraire, il sait qui lui sera fidèle et où placer sa confiance afin de confier à qui sait écouter ce qu'il a sur le c½ur... Sa relation avec son garde du corps, confident et bras-droit de sa famille, Gustav, m'a énormément émue car ce dernier ne cherche pas à comprendre ou à décortiquer les raisons qui poussent le prince à s'habiller avec les robes, et c'est le cas de le dire, dérobées de sa mère la reine. Il l'accepte, c'est tout, et il ne se permet donc jamais de le juger. On devrait sérieusement en prendre de la graine, vous ne trouvez pas ? Gustav est un véritable ami, une épaule sur laquelle le prince peut sans inquiétude se reposer et, grâce à lui, Sébastien va se trouver une autre âme s½ur, une âme amie, une kindred spirit comme dirait ma chère Anne des Pignons verts, une personne bienveillante, loyale et honorable...
... en la personne de Francès. Cette adolescente aux doigts de fée, avant que Sébastien ne bouleverse radicalement son existence, travaillait alors dans un atelier de couturières où elle n'y recevait guère les honneurs qu'elle méritait. J'ai admiré ce personnage pour le travail acharné qu'il fournit à chaque heure de la journée, pour tout ce zèle et ces efforts qu'il fournit dans sa passion. Mais ce que je retiendrai avant tout de Francès, c'est l'amie extrêmement tolérante et compatissante qu'elle est et qui va savoir révéler la véritable beauté et nature de Sébastien au travers des robes plus somptueux, inventives et audacieuses les unes que les autres de la farouche Lady Crystallia, l'alter-ego de ce dernier. Voici ce que Francès voit quand elle regarde Sébastien, ce qu'elle a su voir en lui, un être irradiant de lumière qui l'a tout simplement éblouie. J'ai trouvé cela tout bonnement magnifique.
Mais la plus grosse surprise que j'ai eu au cours de cette lecture je pense, ce sont les parents de Sébastien/Crystallia qui me l'ont offerte. Alors qu'ils incarnent au départ le stéréotype même de la maman poule coquette qui n'aspire qu'au bonheur de sa progéniture et du papa viril qui fait office d'ours mal léché (ils étaient pourtant loin de l'image que renvoie l'aristocratie pédante, c'était déjà ça), leur réaction face à la découverte et révélation du secret de leur fils bien-aimé est sûrement la plus belle chose qu'il m'ait été donné de voir. C'est spectaculaire et magique, et pourtant si simple : accepter l'autre tel qu'il est et l'aimer sans condition. Le monde se porterait bien mieux si on réagissait tous ainsi. En tout cas, merci à Jen Wang d'avoir véhiculé ce message essentiel.
Avant de conclure, j'aimerais juste revenir un instant sur les illustrations de Jen Wang. Je les ai trouvées de toute beauté : le trait est lisse, chaud et doux à contempler et les couleurs sont chatoyantes, très agréables elles aussi. C'est très soigné et cela nous donne envie de lire l'ouvrage deux fois : une première fois pour se plonger véritablement dans l'histoire et suivre les dialogues de nos personnages hauts en couleur et tout à fait charmants ; puis une deuxième fois pour regarder les dessins de plus près, pour prendre le temps de savourer chaque planche. En tout cas, c'est ce que j'ai fait très scrupuleusement et j'ai vécu ainsi une immersion totale dans ce récit plein de rebondissements et profondément beau !
Vous l'aurez compris, je ne peux que vous encourager à lire cette BD pleine de couleurs, remplie de quiproquos et qui fera battre votre c½ur plus fort. Si vous aimez les belles histoires bourrées d'humour, avec des émotions fortes et qui véhiculent des messages magnifiques et importants, alors Le Prince et la Couturière ne peut que vous plaire !

- Les illustrations des planches, qui apportent un vrai charme au récit (pour une BD, c'est essentiel, on est d'accord)
- Une histoire plein de rebondissements, de sentiments, d'intelligence et qui nous délivre un message tout simplement MA-GIS-TRAL. Bref, je ne relève que des qualités à cette ½uvre ! Je suis fan jusqu'au bout des ongles !
✗ - La pédanterie de l'aristocratie et la stupidité crasse de certains individus fort peu recommandables... Enfin, Jen Wang a réussi à changer le monde à sa manière en élevant SA propre voix. C'est déjà un bel exploit, non ?
- Je ne sais pas. Certains jours, je me regarde dans le miroir et je pense : "C'est moi, le prince Sébastien ! Je porte des vêtements de garçon et je ressemble à mon père." Et puis certains jours, ce n'est pas du tout ce que je ressens... Ces jours-là, je me sens plutôt comme... une princesse. »
la-belle-magie-de-disney, Posté le samedi 05 janvier 2019 15:29
78- ou encore Ralph 2.0!