
Univers choisi : Penny Dreadful.
Personnages : Victor Frankenstein/OC.
Allongée sur sa table de travail, les cheveux éparpillés autour de son visage telle une fleur sauvage des champs qui éclot, la jeune adolescente aux joues rosies, prêtes à s'empourprer, même dans la mort, semblait tout droit sortie d'un conte de fées, une Blanche-Neige profondément endormie dont la beauté ne se fanerait jamais, une Belle au Bois Dormant qui attendait que son prince défie le dragon. Le dragon, c'était la mort, celle qui semblait si indomptable et dont les pieux Chrétiens craignaient le jugement dernier. Les autres avaient peur du néant, du gouffre sans fond que mourir représentait. Mais lui, Victor Frankenstein, jouerait le rôle du prince, pour une fois dans sa vie. Il y avait mieux que la bravoure, la gaillardise, et la beauté d'un preux chevalier. Par dessus toutes ces qualités, il y avait le savoir, l'intelligence et la suprême Science. Et par chance, lui, Victor, être blafard, de frêle constitution et aux yeux bleus miroitants, avait ce don. La nuit était propice à son ½uvre. Il aimait les orages, et leurs éclairs foudroyants qui apportaient la touche finale à son but ultime : réunir ce que la vie séparait. Que l'âme et le corps se rejoignent de nouveau, que la mort se relève. Il ne laisserait pas cette douce et divine créature plus longtemps endormie. Il allait, en ce soir d'octobre 1892, créer la vie. Ou la finir.
La lumière ivoirienne de la lune perçait à travers la mince lucarne que son laboratoire comportait. L'éclat à la fois pale et scintillant venait nimber la jeune fille d'un halo surnaturel, chaque parcelle de sa peau était éclairée, et brillait comme un diamant. Le conte de fées était vivant, ce rayon de lumière semblait être son cercueil de verre, qui la rendait mystique, intouchable, et qui émerveillait Victor à chaque instant. Or, il allait devoir briser le cercueil, pour aller chercher son enfant d'entre les morts, elle noyée dans les limbes du Styx, et la ramener en ce bas monde. Tout était prêt, Victor avait vérifié chaque détail minutieusement. Il ne pouvait pas échouer. Il ne devait pas échouer.
Soulevant le corps inanimé avec une extrême douceur et dextérité dans les airs, le coup de grâce tomba sur la silhouette resplendissante, sous la forme d'un éclair d'une parfaite courbe, la note manquante à une symphonie pastorale, dépeignant la succession d'états d'âmes qu'était la vie. Ce que Victor vivait là, c'était l'extase, l'estime de soi, et la finalité absolue : le bonheur à l'état pur. Lui qui avait fait de sa raison d'être de combattre la Nature, de la défier, il se sentait finalement s'abandonner à elle. Il était en osmose avec les éléments naturels, la nuit, sa profondeur, chaque perle glacée qui pleuvait sur Londres, qui tombait dans la gouttière, permettant un apaisement, une douce quiétude. Quelques fois, l'orage et le martèlement du tonnerre venait agrémenter cette mélodie sereine. Le corps de la jeune fille, tourné vers le ciel, avait émis un soubresaut en recevant la divine Providence qui allait donner à ses travaux tout leur sens. La peau de la douce adolescente avait pris alors un autre éclat. Une étoile semblait s'être détachée du ciel et engloutir son enveloppe humaine pour fusionner. Victor en était convaincu : elle n'était pas qu'un simple être humain normal, cela dépassait tout entendement rationnel et logique, et lui avait eu la vocation, la sensibilité du poète, l'intelligence de faire cette prouesse, de capturer une étoile et de lui redonner son éclat. Redescendant le corps touché par la grâce de manière consciencieuse, mais non pas fébrile, l'excitation entêtante ravageait tous les membres de Victor, à commencer par son c½ur, qui battait surnaturellement, bien trop vite pour suivre le rythme de celui d'un humain sain d'esprit. En avait-il jamais été un ? Rit-il de lui-même. Il n'osait regarder le résultat de son ½uvre ultime, la panique le secouait sempiternellement, et pourtant, il n'avait qu'une seule envie : admirer le fruit de ses efforts, priant pour que les cheveux noirs de jais, la peau cadavérique, les yeux vitreux et les lèvres noircies de Caliban ne réapparaissent pas, ou même le charme trompeur de Lily, qui lui était désormais une abomination. Osant darder ses yeux sur le corps qui se soulevait désormais sous l'effet de la reprise du mécanisme des poumons et du c½ur, engrenage ahurissant, le résultat fut tout autre.
Accompli. Victor Frankenstein se sentait en effet accompli. Dès à présent, il avait réussi à guérir de la blessure et du sentiment d'échec que Lily lui avait fait sentir, malgré la proposition alléchante de son fidèle ami Jekyll de la ramener ronronnante comme un chaton à lui, et avait persévéré dans l'½uvre ultime de son existence : brouiller les frontières entre la vie et la mort. Le résultat était devant ses yeux, après avoir engendré deux monstres défectueux qui avaient bien failli le mener à sa perte. Plus il contemplait la jeune fille aux cheveux chocolat, à la peau hâlée par le soleil et aux longs cils si délicats, plus il croyait nager dans un rêve des plus doux, des plus réconfortants, qui n'en deviendrait que plus meurtrier une fois que sa bulle de bonheur et de fierté éclaterait. Seulement voilà, elle était là, et il ne pouvait nier son existence. Impossible. Elle était son ange. Son ange tombé du ciel, littéralement. Une jeune fille qu'il avait trouvé allongée sur le carreau, dans une ruelle, sa robe blanche étrangement immaculée et du sang poisseux s'échappant de la commissure de ses lèvres. Un être de pureté, de lumière, s'étant éteint trop tôt. Les raisons de la mort ne lui importaient point. Tout ce qui comptait, c'était qu'il était un jeune scientifique brillant, qui avait pour devoir de lui insuffler le souffle de vie sans pervertir son innocence. Il ne la laisserai jamais devenir comme Lily, il ne pourrait le supporter une seconde fois. Elle était son trésor, la prunelle de ses yeux, sa gemme polie, sa déesse de vie immaculée. Sa Anahita. *
« Nahid, réveille-toi ma douce. » susurra tendrement Frankenstein, nommant le frêle être humain d'un petit surnom affectueux.
Ce nom lui collait à merveille. Victor se serait juré voir un halo doré l'entourer, mais ses injections de narcotiques devaient encore faire leur effet, et il secoua vivement la tête pour échapper à ses hallucinations. Mais en étaient-ce véritablement ? Après tout, Anahita était l'être parfait, Victor avait ainsi la preuve vivante qu'il avait ramené une personne de chair et d'os à la vie, et non pas crée un énième monstre, qui aurait reflété sa culpabilité et son désespoir. Cependant, malgré ce succès miraculeux, le scientifique comprit qu'il ne devait pas reproduire les mêmes erreurs : il était hors de question d'abandonner à son sort son petit ange, comme il l'avait fait, saisi de stupeur et d'effroi, pour son ignoble Créature qui s'était auto-nommée Caliban. Le jeune homme espérait vivement ne jamais le revoir dans le coin pour le harceler et lui réclamer une autre promise ... Vint alors à Victor la pensée qu'il pouvait lui enlever sa Anahita d'ores et déjà adorée ... Ou pire, lui infliger la boucherie que Proteus, son si doux, docile et gentil Proteus, avait subi ... Il n'y survivrait pas, ne pourrait supporter cet enfer sur Terre. Caliban, John Clare, ou quoi qu'il soit, ne devait jamais remettre les pieds dans son laboratoire. Jamais. Il en allait de même pour Lily. Cette dernière, devenue une vengeresse sans pitié désirant mettre tous les hommes lui ayant fait du tort à genoux, serait bien capable de venir kidnapper son enfant et de la monter contre lui. Laquelle de ses deux Créatures le torturerait le plus ? Lily ou Caliban ?
Ne souhaitant pas y penser un instant de plus, ce qu'elles ne méritaient point, et par peur de laisser ses pires cauchemars le submerger, l'aspirant dans un enfer bien réel, Victor inspira un grand coup. Puis il écarquilla grands ses yeux esbaudis quand il vit sa belle enfant ouvrir doucement les paupières, telle une chrysalide qui éclot, au moment où le papillon déploie grandes ses ailes kaléidoscopiques. Elle le contemplait d'un regard si doux et affectueux qu'il se sentit immédiatement fondre comme neige au soleil. Son c½ur tant tourmenté par la cruauté et la part d'ombre de ses créatures était enfin apaisé. Il avait enfin un enfant, le sien, le rayon de soleil dans ses jours de scientifique abattu, ne trouvant jamais rien pour nourrir les illusions romantiques, poétiques, qu'il chérissait tant. Mais Anahita en était l'incarnation inespérée, merveilleuse, sa rédemption pour avoir oser profaner l'½uvre de la Science en mettant au monde de manière si brutale, si déchaînée, si surnaturelle, deux monstres renfermant la rancune et la désolation dans leurs c½urs, dont les battements s'étaient arrêtés. Êtres de chair et de lambeaux de cadavres, qui erraient et semaient le malheur et l'angoisse sur leurs passages. Victor avait cru mourir sous l'effet de la folie satanique qu'avait provoqué en lui ses deux, il lui répugnait de l'avouer, enfants. Il avait commis l'inceste avec celle qu'il avait tuée, celle qui était au fond sa fille, qu'il avait travesti en sa cousine, peu importait, Lily Frankenstein, qui s'était jouée de lui, qui lui avait fait vivre une chimère si réaliste, qu'elle l'avait embrumé dans un tissu de mensonges et de rêveries amoureuses qui l'avait berné, presque anéanti. Mais plus rien ne l'obnubilait à présent que sa petite chérie, l'enfant qu'il n'aurait jamais, le sien. Les vieux démons étaient derrière lui, il se sentait enfin complet, entier, et il ne laisserait plus ses propres créatures lui marcher sur les pieds et le démolir. En caressant du pouce la joue de sa petite princesse, il avait presque de la pitié à leur égard, elles qui ne connaîtraient jamais l'amour radieux qui le conquérait en cet instant. Eusse-été possible de tomber amoureux du premier regard ? Cet amour fusionnel, exceptionnel, qu'il se prit à ressentir, dépassait toutes ses espérances les plus folles. Il ne s'en lasserait au grand jamais.
« Pa ... pa. » outrepassa alors ce simple mot des lèvres carmins de sa si magnifique fille, faisant entendre pour la toute première fois sa voix à la fois chaude et cristalline.
Il ne put empêcher les larmes qu'il contenait, retenait, de couler le long de ses joues creuses, amaigries par son appétit de moineau, son addiction passée à la morphine et son obsession de ses travaux. Il se sentit alors lui-même renaître, ses joues se réchauffèrent sous l'effet de la rosée de ses gouttes d'eau sur son visage, telle la neige fondant après avoir été percutée par de la pluie tiède. Il l'aimait d'ores et déjà inconditionnellement, il était à sa merci, et c'était ce qu'il voulait de tout son être.
« Papa, tu es triste ? Que se passe-t-il ? » s'inquiéta la jeune fille en essuyant de ses pouces les larmes intarissables, deux rivières s'étant creusées sur le visage du scientifique.
« Ce sont des larmes de joie ma chérie, ma petite Anahita. Tu me combles d'un bonheur inimaginable. Je t'aime, Anahita, je t'aime de chaque fibre de mon être.
- Moi aussi, je t'aime de tout c½ur, mon petit papa. »
Le jeune être tant aimé se jeta alors dans ses bras fatigués, le serrant d'une manière si tendre et aimante, que le scientifique lui rendit de suite son étreinte, l'agrippant comme s'il avait peur qu'elle s'envole déjà loin de lui. Comment résister face à ce miracle qu'il n'aurait jamais cru vivre, dont il avait abandonné l'espoir ? En son for intérieur, il se jura de protéger sa choyée Nahid jusqu'à ce que lui-même expire, et aucun obstacle sur sa route ne saurait le faire changer d'avis. Des temps sombres étaient encore à venir, il en avait vécu des choses, avec Sir Malcolm, Vanessa, Mr. Chandler, le regretté Sembene, et le défunt Professeur Van Helsing, qu'il admirait tant et qu'il aurait tant voulu présenter à son petit trésor de fille. Et, comme disait le fameux proverbe, « Le pire reste à venir ». Mais à ce moment où Victor se sentait transporté d'allégresse, le pire pouvait attendre. Il allait tout mettre en ½uvre pour que chaque jour, chaque seconde même, que sa petite fille passait à respirer l'air de ce monde serait un paradis, un émerveillement quotidien. Pour elle, il était prêt à tout, elle était son monde.
And a Heaven in a Wild Flower,
Hold Infinity in the palm of your hand
And Eternity in an hour **
* Anahita est la déesse perse qui correspond à la déesse-rivière indienne Sarasvati. Elle est la divinité de la connaissance, de la sagesse, de l'éloquence et des arts. Aussi appelée Nahid en persan moderne, ce mot signifie "immaculée" et est utilisé pour nommer la planète Vénus. Anahita équivaudrait donc aussi à Vénus, soit Aphrodite, déesse de l'amour, de la beauté, et plus particulièrement de la fécondité et de la vie. Petite info + : Mon prénom Anaïs, qui signifie "grâce", pourrait venir d'Anahita, la "beauté".
** Ces vers de William Blake sont cités dans l'épisode deux de la saison 2 de Penny Dreadful par Caliban/John Clare à Vanessa Ives. Je trouvais qu'ils correspondaient bien à l'idée de donner la vie, et de voir un mystère incroyable en chaque chose, chaque être.
Mais soyez indulgents s'il vous plaît, cela fait si longtemps que je n'ai pas écrit !
C'est un véritable plaisir de reprendre l'écriture, et je compte bien m'améliorer et prendre mon pied tout à la fois !
Des bisous à tous ♥
la-belle-magie-de-disney, Posté le lundi 06 novembre 2017 12:36
45) j'aime bien cette période même si j'ai perdu mon grand-père en décembre il y a 7 ans, j'aime toujours les décorations et faire le sapin!